Présidentielle 2024/ Aminata Touré : « Je parie qu’Amadou Bâ n’ira pas au second tour »

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L’ancienne première ministre et candidate déclarée à la présidentielle de février 2024 a accordé une interview au quotidien L’AS. Une occasion pour Aminata Touré d’évoquer l’actualité politique qui anime les débats au Sénégal en ce moment.

Certains leaders de l’opposition annoncent avoir atteint leur objectif en termes de collecte de parrains. où en est Mimi2024 ?

Nous finalisons sereinement notre campagne de collecte de parrainages sur l’ensemble du pays avec la conviction de passer haut la main cette étape. La confiance n’excluant pas le contrôle, nous soutenons l’équipe des experts de FITE qui exige l’audit du logiciel de contrôle des parrainages car il n’est pas question qu’à la tentative d’élimination de candidats par voie judiciaire s’ajoute la tentative d’élimination de candidats par ce que j’appelle la stratégie perverse du «doublonnage», c’est-à-dire qu’un logiciel dont on ne connaît ni les tenants ni les aboutissants ne déclare faussement des doublons de parrains car un logiciel, on peut lui faire faire ce qu’on veut.

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Tous les informaticiens le savent, un logiciel, c’est un instrument au service de la tâche qu’on lui assigne. Par souci de transparence et de contrôle, nous exigeons que les experts des candidats regroupés au sein de FITE rencontrent la Direction Générale des Elections pour nous assurer que le fichier de contrôle des parrainages ne comporte aucune «perversité», de nature à servir des desseins politiques. Comme je l’ai indiqué, nous n’avons pas de problème de parrainage, ni en quantité ni en qualité mais laissez-moi vous dire ceci : en autorisant plus de 200 candidats déclarés à retirer les fiches de parrainage à la Direction Générale des Elections, on a, de manière claire, voulu installer une confusion qui, d’ailleurs, remet en cause la loi sur le parrainage.

Suivez-moi bien : nous sommes 7 millions d’électeurs. Si chacun des 200 candidats faisait bien son travail en évitant tout doublon, aucun des candidats ne pourrait atteindre le minimum de 44 000 parrains car 7 millions d’électeurs divisés par 200 parrains, cela fait 35 000 parrains.

Dans n’importe quel pays démocratique sérieux, cela aurait suffit à faire abroger la décision de la DGE qui aurait pu commencer par demander le dépôt de la caution, et on n’aurait pas 200 candidats, bien entendu. Ce que je vous dis là n’a rien d’extraordinaire. A la DGE, il y a des intellectuels comme vous et moi qui le savent très bien. Il y a une volonté manifeste d’installer la confusion dans le processus et de décourager les électeurs et par la bande, éliminer des candidats.

Tout cela n’est que peine perdue, on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras. Le changement est inéluctable dans notre pays et rien ne pourra l’arrêter. Donc, encore une fois, je demande à notre Administration de ne faire le jeu d’aucune partie mais de rester strictement impartiale et de respecter scrupuleusement la loi

Des craintes sont soulevées par rapport à la stabilité du processus électoral en ce qui concerne la présidentielle 2024 si Ousmane Sonko n’est pas sur la ligne de départ. Pensez-vous réellement que ce scrutin risque de ne pas se tenir sans le leader de l’ex-Pastef ?

Je viens d’évoquer l’impartialité de l’Administration, à commencer par celle qui gère le processus électoral. La Direction Générale des Élections s’est illégalement refusée d’exécuter la décision du juge de Ziguinchor ordonnant la réinscription de Ousmane Sonko sur les listes électorales.

Quand l’Administration refuse d’exécuter une décision de justice, où va l’Etat de droit, dites-moi ? J’ai assisté à une partie de l’audience de la Cour suprême sur la question en soutien à Ousmane Sonko et j’ai été encore une fois déçue par la décision prise. Il semblerait là que la justice joue le chrono comme dans un mauvais match de foot dans l’attente du coup de sifflet final de l’arbitre.

A huit jours de la fin de la campagne du parrainage, on renvoie au tribunal d’instance comme si on cherchait à «tuer le temps» pour atteindre la forclusion. L’élimination d’adversaires politiques est une pratique infamante dans un système démocratique qui se respecte et notre démocratie chantée partout ne mérite vraiment pas ce qui lui arrive. Si le candidat Macky Sall avait été traité ainsi, il n’aurait jamais été Président du Sénégal.

J’espère que le tribunal, en autorisant la participation d’Ousmane Sonko, entamera la réhabilitation de notre système judiciaire perçu par l’immense majorité des Sénégalais comme partisan et au service d’une cause politique antidémocratique.

Le candidat Boubacar Camara a d’ailleurs demandé le report du scrutin, partagez-vous ses craintes ?

La démocratie, c’est la diversité d’opinions. Pour ce qui me concerne, j’estime très fortement qu’il faut impérativement aller vers une élection inclusive avec la participation de tous les candidats, y compris Ousmane Sonko. Il ne peut être question d’une prolongation d’une journée de plus du régime en place. Rien ne nous empêche d’aller à l’élection présidentielle du 25 février. Que les lois de ce pays soient respectées, c’est tout ce que les Sénégalais demandent avec la participation de tous les candidats. Et je prends avec vous le pari que le candidat de l’APR Amadou Ba n’ira pas au second tour ! C’est pourquoi je ne comprends point la rhétorique récente du Président

Macky Sall menaçant ceux qui veulent mettre le pays à feu et à sang. De qui parle-t-il ? Le pays est calme et s’attend à ce que que les lois soient respectées pour choisir librement son candidat car les Sénégalais connaissent la force extraordinaire du vote.

La vague migratoire inquiète à plus d’un titre. quel est le plan de Mimi 2024 pour stopper l’hémorragie ?

Je dénonce d’abord l’indifférence du régime face à ces centaines de morts atrocement noyés dans l’océan Atlantique. Pas de conseil présidentiel sur ce drame sans fin, pas de journées de deuil national, pas de visites aux familles éplorées ou sur les lieux de départ des pirogues de la mort, pas même de campagne de sensibilisation des jeunes ! Mais où est le ministre de la Jeunesse ? Le Président et le Premier Ministre, eux, préfèrent être en campagne déguisée alors qu’on égrène le nombre de morts. J’exige plus d’humanisme de l’équipe gouvernementale envers cette jeunesse désespérée. Notre priorité une fois élue sera de recréer l’espoir au niveau de la jeunesse par un plan d’urgence Jeunesse-Formation-Emploi. Le ministre le plus talentueux de mon équipe gouvernementale sera le ministre en charge de la Jeunesse qui représente plus de 70% de la population sénégalaise. Dans le but de créer des centaines de milliers d’emplois à court terme, je compte mettre en place un programme accéléré d’industrie légère basée sur

nos potentialités régionales. Fabriquer du beurre, du lait en poudre dans les zones sylvopastorales, ce n’est quand même pas sorcier, tout comme faire de l’aliment de bétail, du savon ou des produits cosmétiques à partir de l’arachide ou transformer le poisson et les produits halieutiques. On ne fabrique ni aiguille ni cure-dent au Sénégal, vous vous rendez-compte ?

Comment alors créer ces empois dont notre jeunesse a désespérément besoin ? La seule réponse qui tienne, c’est l’industrialisation avec les moyens d’accompagnement que je propose que sont les trois banques : la Banque des Femmes, la Banque des Artisans et la Banque des Sénégalais de l’Extérieur. Ces trois banques seront créées avec les fonds existants déjà qui, hélas, ont une utilisation plutôt politicienne et cela depuis des décennies.

Est-ce que Mimi 2024 travaille actuellement pour avoir une coalition électorale en 2024. Le cas échéant avec quels leaders vraiment représentatifs ?

Bien sûr, nous y travaillons. Je ne vais pas vous exposer ici les détails de nos discussions en cours et de notre stratégie mais nous y sommes. Je peux vous dire aussi que ma conviction est qu’au second tour, tous les candidats du FITE devraient soutenir celui ou celle qui sera le mieux placé

(e) en leur sein. Et si ce sont deux candidats de FITE au second tour, ce que je vois comme hypothèse forte, ce sera encore plus facile, ce sera gagner ou gagner pour le changement véritable de notre pays dans le sens d’une Justice réhabilitée, d’une véritable bonne gouvernance, d’un mieux-vivre significatif pour les jeunes, les femmes et toutes les autres catégories de sénégalais

L’Asnews

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