CONSEIL DU PHARMACIEN – AUTOMÉDICATION, FAUX MÉDICAMENTS : “UNE SURDOSE DE PARACÉTAMOL PEUT ÊTRE MORTELLE…” (DR ASSANE DIOP)

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Le bon médicament répond à des critères. Il a un circuit et il faut respecter le bon dosage sur conseil d’un pharmacien et prescription d’un médecin. Le surdosage tue, le faux médicament idem….. Seneweb a fait le tour de la question avec le Docteur Assane Diop, Président du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal…

A quels critères répondent un bon médicament ?

Un bon médicament répond à trois critères que sont la qualité, l’innocuité et la sécurité. L’innocuité veut dire que le médicament doit non seulement traiter mais ne doit pas entraîner des effets secondaires très graves. Un médicament doit être sûr et de qualité en emportant pas dans sa production un produit toxique. La qualité est liée au fait que le dosage, qui est indiqué, doit être le même que celui du médicament. Quand on dit qu’un médicament soigne une telle douleur, il suffit de le prendre pour avoir une amélioration pour ne pas dire une disparition de la douleur.

Vous dites effets secondaires très graves, cela veut-il dire qu’ils ne sont pas totalement exclus…. ?

Au moment de l’élaboration des médicaments, les tests sont faits sur un nombre réduit ou limité de personnes. Mais une fois mis sur le marché, il est utilisé par pratiquement tout le monde. C’est pourquoi les effets secondaires ne sont jamais totalement exclus. Il y a toujours des cas de mauvaises réactions inattendues et d’hypersensibilités. Les organismes ne réagissent pas de la même façon. Seulement ces réactions ne doivent pas être plus graves que les pathologies initiales elles-mêmes.

Et par rapport au circuit normal du médicament, comment ça se passe au Sénégal par exemple ?

Au Sénégal, le circuit du médicament est bien maîtrisé. Pour ce qui est du secteur public, il n’y a que la Pharmacie nationale d’approvisionnement qui est chargée d’acheter en gros à l’extérieur ou à l’intérieur du pays. Pour ce qui est du secteur privé, il y a quatre grossistes répartiteurs qui sont seuls autorisés à l’importation ou à l’achat en gros. Les pharmacies d’officines sont chargées de dispenser ces médicaments de même que les postes de santé et les structures sanitaires publiques. Ces derniers ne peuvent s’approvisionner qu’à travers ces cinq structures précitées dans la distribution en gros.

Le bon médicament se trouve donc dans ces structures. Par rapport à la prise, faut-il obligatoirement une ordonnance prescrite par un médecin ?

Il y a des médicaments qu’on peut prendre sans ordonnance. On les appelle chez nous les médicaments OTB ou hors tabac. Il y a, il faut le dire, des médicaments que le pharmacien ne doit dispenser que sur présentation d’ordonnance et même pour certains, il faut que l’ordonnance provienne de spécialistes.

“Un anti-inflammatoire, pris par une personne qui souffre d’ulcère, peut perforer l’estomac”

On parle souvent de conseil de pharmaciens, est-ce que cela concerne les médicaments OTB ?

Normalement, ça devait se limiter à ses médicaments et surtout à soulager avant que la personne n’aille voir son médecin.

S’il faut prendre son médicament sur conseil du pharmacien ou par prescription par un médecin, cela veut dire qu’il y a des prises qui comportent un certain danger…

Les médicaments sont classés selon leur dangerosité. Il y a la liste 1, avec les médicaments dits toxiques. Autrement, si la personne dépasse la dose prescrite, il peut y avoir des conséquences très graves qui peuvent causer même la mort. Les produits vont attaquer les organes nobles. L’antidiabétique par exemple a pour vocation de diminuer le taux de sucre dans le sang. Si on en prend beaucoup, la glycémie baisse très fortement. Et on peut perdre la vie. Il y a aussi la liste 2, avec les médicaments qui sont aussi dangereux qui peuvent avoir des effets graves dans l’organisme. Un anti-inflammatoire, pris par une personne qui souffre d’ulcère, peut perforer l’estomac et devient une urgence chirurgicale. Il y a des stupéfiants, des médicaments qui agissent sur le système nerveux. Pour ces médicaments, la prescription est très encadrée et la distribution en officine aussi.

La problématique se trouve donc au niveau de la dose après l’obtention du bon médicament. ?

Vous savez on nous apprend à la Faculté, dose thérapeutique et dose létale. Pour certains médicaments, il suffit d’une fausse dose pour être sur la dose létale. C’est-à-dire celle qui peut entraîner la mort. C’est d’ailleurs pourquoi le nombre de comprimés dans la boîte est limité. Tout ce qui est antidouleur, paracétamol dosé à un gramme, on limite la boîte à 08 comprimés. Au-delà de huit grammes en une prise, la dose peut être mortelle parce qu’elle attaque irréversiblement le foie. C’est pourquoi on prend la précaution de ne mettre que huit comprimés. On met même un ingrédient qui aide à vomir immédiatement pour éviter que le médicament soit toxique et létal.

“On ne comprend pas qu’on laisse personnes ouvrir des boutiques de médicaments et exercer en toute impunité”

Avec tout ce que vous venez de dire il a de quoi s’alarmer si on sait qu’au Sénégal, les faux médicaments courent la rue ?

Effectivement et c’est pourquoi d’ailleurs on ne comprend pas. Le législateur a conféré le monopole aux pharmaciens. C’est les rares métiers où on parle de monopole et il se justifie par la spécificité même du médicament.

On ne comprend pas que des personnes, qui ne sont pas de la corporation, puissent s’adonner à cette exportation de contrefaçon et de distribution de médicament. Ce qui est extrêmement grave pour la santé des populations qui s’adonnent souvent à l’automédication.

Est-ce que vous pensez, en tant que syndicaliste de pharmacie, qu’il y a une volonté politique de résoudre ce fléau ?

Si je dois répondre en tant que syndicaliste, je dirai tout simplement qu’il n’y a aucune volonté. Et dire qu’en 2019, le Chef de l’Etat avait fait une promesse d’éliminer ce circuit. On est en 2022, on n’a pas encore d’actions fortes pour éliminer ce marché parallèle.

A votre niveau quelle est la solution préconisée ?

L’application des dispositions de lois qui existent. On a tout ce qu’il faut dans les textes pour lutter efficacement contre. Un pharmacien, qui sort de la Fac, ne peut de sa propre initiative ouvrir une pharmacie. Il est obligé d’attendre l’autorisation du ministre de la Santé. Une fois la place construite, il y a des inspections qui se font pour dire qu’il est dans les dispositions de démarrer. On ne comprend pas qu’on laisse des personnes ouvrir des boutiques de médicaments et exercer en toute impunité. On ne peut pas comprendre qu’une structure comme Keur Serigne puisse être au cœur de Dakar. Au niveau de la direction de Pharmacie et de la direction du commerce intérieur, du service d’hygiène on a beaucoup d’institutions qui peuvent sévir en utilisant les dispositions de leur secteur pour lutter efficacement contre la vente illicite des médicaments

Un appel dans ce sens…

Le Sénégal a ratifié la Convention Médicrime qui fixe un cadre juridique avec la collaboration de tous les Etats. Nous invitons le gouvernement à des actes forts pour préserver la santé des populations.

Un conseil santé…

J’invite les sénégalais à acheter le médicament dans les pharmacies d’officines et les structures de santé…

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