La répartie d’un Messi en colère à un joueur néerlandais après le quart de finale gagné par l’Argentine « Qu’est-ce que tu regardes, abruti ? » s’est muée en phénomène de mode dans son pays, avec des T-shirts, mugs, casquettes lancés sur le marché en quelques jours, et une analyse linguistique en prime.
Le bref clash, où le capitaine argentin lance, à l’adresse de Wout Weghorts: « Qué miras bobo ? (…) Anda pa’ alla, bobo ! » (« Qu’est-ce que tu regardes, abruti ? Tire-toi là-bas, abruti ! »), filmé vendredi en zone mixte après Pays-Bas-Argentine par la chaîne TyC Sports, a été repassé en boucle par les médias argentins, disséqué, et… monétisé.
Dès ce week-end, des tasses étaient disponibles sur le site de commerce en ligne Mercado Libre, à partir de 1.600 pesos (environ 9 dollars). Des tee-shirts aux designs variés –phrase avec l’effigie de Messi, avec le drapeau argentin, phrase seule– étaient proposés à partir de 2.900 pesos (16 dollars). Et des casquettes pour 3.900 (22 dollars).
La répartie était aussi matière première de remix musicaux, d’innombrables « mèmes », l’objet de recherches dominantes sur internet dès après le match –les mots « bobo », « andapaalla ». Un tweet avec la brève vidéo de 10 secondes avait été partagé 10,5 millions de fois lundi. Et de premiers tatouages « Qué mira’ bobo ? » sont apparus.
« Maradonisé »
« On a fait les T-shirts dans la foulée, dès après le match », a déclaré à l’AFP Tony Molfese, 31 ans, graphiste et gérant d’un magasin à Buenos Aires. « Et puis la phrase est devenue virale, parce que Messi à un moment avait ce profil bas, tranquille, mais peut-être les gens voulaient qu’il ait ce +piquant+ de Diego (Maradona). On aime ce Messi « Maradonisé », ajoute-t-il, réjoui aussi d’avoir écoulé 500 T-shirts « Qué miras » en 48h, quand il vend normalement 100 à 150 T-shirts par jour…
Les mots de Messi ont été interprétés par la majeure partie de la presse comme la juste colère d’un génie victime à la fois des fautes des Néerlandais et de l’arbitrage. Un leader habité, enragé, « maradonien », résument plusieurs médias. Mais ils ont aussi été montrés du doigt : le quotidien La Nacion (conservateur) observant que « le footballeur le plus extraordinaire de l’histoire (…) peut aussi être un homme vulgaire ».
Le langage lui-même a été analysé: d’un ton amusé, des médias relevaient que les mots employés par Messi étaient à la fois modérés et désuets. Dans le langage « insultant » courant, un Argentin aurait plutôt dit: « Qué miras, pelotudo ? » (c..) », faisait remarquer le quotidien Clarin.
Un Argentin, ou plutôt un Porteño (habitant de Buenos Aires). Car Clarin estime que l’usage par Messi de « bobo », « trahit son appartenance au football des champs, de terre battue, joué sous la pluie, dans la boue jusqu’à ce que le soleil se couche ». En d’autres termes un peu rustique, de Rosario (300 km de Buenos Aires) d’où est originaire Messi. Un « pur Rosarisme », résume le journal.
L’autre partie de l’expression « Anda pa’ alla » a aussi fait se dresser quelques sourcils amusés, perçue comme une grossièreté un peu désuète, qu’auraient pu utiliser ses parents ou grands-parents. Mais qui vient subitement de revenir à la mode.