Une tempête dans un verre d’eau (Par Mamadou Ndiaye)

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Le 24 mars dernier le peuple sénégalais a choisi un nouveau Président de la République, il a fait le choix d’une certaine rupture.

Le nouveau chef de l’exécutif a prêté serment et le Gouvernement a été formé. Allez au travail maintenant, serait-on tenté de dire, sauf qu’il y a un dernier petit détail, l’Assemblée Nationale est encore majoritairement aux mains du pouvoir sortant. Voilà encore une de ces incongruités résultant des tripatouillages constitutionnelles de nos dirigeants. Nos anciens Présidents ont tous cru qu’ils devaient déconstruire et reconstruire la constitution qui est pourtant le socle des valeurs et principes qui sous-tendent l’organisation de la société et du système politique, tels que la séparation des pouvoirs, la démocratie, les droits fondamentaux et l’État de droit.

Quand on est enclin à toujours rectifier la base selon ses desiderata, alors vous pouvez être certain que l’édifice souffrira d’instabilité.

C’est pourquoi après une énième retouche de la durée du mandat présidentiel et des calendriers électoraux, le landerneau politico-médiatique est secoué par une polémique sur d’éventuelles motion de censure et de dissolution de l’Assemblée Nationale.

Cette controverse passionne les adeptes de la politique récréative et nourrit les journalistes et les réseaux sociaux, alors que les défis qui attendent ce nouveau régime sont considérables.

Mais encore et toujours les hommes politiques tiennent en otage notre pays et abusent de la crédulité des Sénégalais alors que la démocratie est comme une rose qui ne s’épanouit qu’à la lumière de la connaissance. Malheureusement, la manipulation et la tromperie sont érigées en règles et nous sautons de polémiques en polémiques les unes aussi sombres et stériles que les autres.

La dernière concerne donc la dissolution.

Il convient de rappeler que l’architecture de nos Institutions est inspirée de la 5e République en France qui a fait cesser l’instabilité politique de la 4e République laquelle avait enregistré 24 gouvernements en 12 ans. Les votes de défiance se succédaient et les gouvernements tombaient les uns après les autres.

Depuis quelques jours l’éventualité d’une dissolution a été présentée par certains politiciens comme une menace. Mais en réalité ce sont eux qui veulent être une menace permanente sur l’exécutif et la stabilité institutionnelle. C’est de bonne guerre me direz-vous, mais nous citoyens ne sommes tenus d’être les victimes de leur guéguerre.

La question n’est pas s’il faut dissoudre ou pas car la réponse est évidemment oui. D’ailleurs que reste-t-il de la coalition Yewi Askan Wi? Qui est avec qui? Peut-on envisager un gouvernement faire le funambule durant encore 40 mois avec cette Assemblée?

Quand l’exécutif et le législatif sont dans une telle situation, il faut en appeler à l’arbitrage du peuple.

La question qu’il faut poser est que faut-il faire pour avoir une meilleure Assemblée? Quels représentants du peuple devons-nous élire qui ne passent pas leur temps à s’invectiver, à se prendre pour des karatékas et à voter tout et n’importe quoi comme cette infâme loi d’amnistie. Voilà l’enjeu!

Mais qui s’en préoccupe vraiment? L’élection présidentielle de mars a été considérée comme une victoire de la démocratie et de la maturité du peuple. J’aimerais en être convaincu. Je crains qu’elle n’ait appauvri le débat politique comme on l’avait rarement vu.

19 candidats dont les 17 réunis ont recueilli moins de 10% des suffrages et 15 qui font moins de 1%. Ces résultats nous réduisent à un face-à-face entre des vainqueurs, (qui rappelons-le avaient refusé le projet de loi de Macky Sall qui aurait permis au Président actuel de ne pas avoir à attendre jusqu’au mois de septembre pour pouvoir dissoudre l’Assemblée) et des vaincus revanchards soupçonnés de malversations financières qui promettent un gatsa-gatsa en sens inverse.

Jusqu’à quand le Sénégal doit-il subir cela?

Tous les autres candidats quant à eux, sont aujourd’hui terrés et emmurés dans un silence aussi peu glorieux que leur score. À moins que ça ne soit pas le Sénégal qui les intéresse mais le poste de président et rien d’autre?

Qu’à cela ne tienne, nous ferons sans eux. Et maintenant au boulot! Le Sénégal a opté pour un régime présidentiel, il est urgent d’avoir une cohérence, la majorité gouverne et l’opposition s’oppose, tous deux dans le respect des lois et règlements établis.
Ce nouveau régime ayant promis la rupture, le porte-parole du gouvernement n’a dit que ce bon nombre de Sénégalais attendent d’eux: dire la vérité qu’elle plaise ou non, nous épargner des « deals » entre politiciens, bref oeuvrer pour le Sénégal sans considérations électoralistes. Mais la tâche est ardue, le laisser-aller a été long et les habitudes sont têtues.

Ghandi disait : « vous devez être vous-mêmes le changement que vous voulez voir dans le monde ». Les Sénégalais seront-ils constants et endurants pour un changement qualitatif? L’avenir nous dira.

Mamadou Ndiaye
Consultant
Dakar

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