Tapissier devenu aide-soignant, femme de ménage jouant à la sage-femme / Nos hôpitaux : des mouroirs de niveau 3 inondés par des blouses sombres sorties d’écoles de négoce politiques…

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Pour entrer à l’hôpital au Sénégal et intégrer le corps médical, il faut soit sortir des écoles ou juste avoir une perche. Et si c’est par la perche qu’on est parvenu à s’octroyer une blouse blanche, on devient parfois aide-soignant ou matrone. Ce nom générique cache bien des misères. À côté de cet amateur, généralement, suppléant médecins, infirmiers et sages-femmes aux heures compliquées, il y a les professionnels irresponsables dont le comportement altère celui de leurs collègues qui ne poussent de souffle que pour sauver des vies. Entre Thiès, Kaolack, Rufisque et Kolda en passant par Touba, c’est grogne et dépression chez les populations.
 
ANALYSE D’UN CAS CONFUS! 
 
La mort de Astou Sokhna ne met pas tous les médecins,  infirmiers et sages-femmes dans le même sac. Elle permet d’identifier parmi eux la bonne graine de l’ivraie mais aussi de se rendre compte que nos structures médicales sont de grands malades plongés dans un état comateux depuis que cliniques et pharmacies clandestines poussent comme des champignons.
 
KOLDA OÙ L’HÔPITAL EST LE 1er DES MALADES…  
 
À Louga, on pleure encore Astou Sokhna qui a dû souffrir. À Kolda, au-delà des malades, c’est l’hôpital qui agonise. Zacharia Diallo, Sg du SUTSAS au niveau local et infirmier, approché par Dakaractu – Kolda, s’indigne, sans broncher, d’abord du drame de Ahmed Sakhir Mbaye avant d’estimer que le feu couve partout. 
 
Évoquant la vétusté du matériel médical, la surcharge de travail, les salaires insignifiants des agents de la santé, touchant également du doigt l’épineuse question du déficit de personnel qualifié, le syndicaliste fait une carte d’identité de  l’hôpital régional. Il précise, en passant, qu’à l’heure actuelle, la structure ne dispose ni d’ophtalmologue (et d’ailleurs sa présence n’aurait servi à presque rien puisque le microscope est en panne depuis 04 ans), ni de radiologue, encore moins de neurochirurgien ou de psychiatrre. Quant à la présence d’un médecin-réanimateur, le rêve est encore un mirage. L’hôpital, une véritable coquille vide !
 
Et aujourd’hui, toujours selon Zac, il n’y a pas de salle de stérilisation. C’est pourquoi il  lance un appel à l’État pour combler ce manque. Notre interlocuteur de signaler, par ailleurs, que ce mal agace aussi le monde rural où on note les mêmes tares.
 
Kolda vit, au vu de ce qui précède ses drames à elle aussi. On se rappelle encore ce fait divers assez bizarre. C’est quand Malafi Touré enceinte mais déclarée morte, accouchait, quand-même dans la morgue.
 
QUAND KAOLACK RUE DANS LES BRANCARDS 
 
Si à Louga on meurt ainsi qu’à Kolda, c’est l’hôpital qui agonise à Kaolack où on est plutôt confronté à un déficit de spécialistes, assaisonné par un accueil peu satisfaisant :
 
Correspondance…
 
La région de Kaolack dispose d’un hôpital de niveau 02, des centres de santé, des postes de santé et des cases de santé répartis dans les différentes localités (villages, communes et arrondissements).
 
Au niveau de l’hôpital régional El Hadj Ibrahima Niass de Kaolack, en dépit des efforts qui ont été fournis afin de relever le plateau technique, tout ou presque reste à améliorer dans ce centre hospitalier.
 
Ce jeudi matin à l’image des autres jours, la porte d’entrée est bondée de personnes. Les agents préposés à la sécurité  filtrent l’entrée. Une dame qui était venue rendre visite à un malade n’a pas pu convaincre les vigiles qui lui refuseront l’accès. 
 
Interpellée, elle peste.  » J’étais venue hier accompagner un malade. En rentrant le soir, j’ai laissé quelqu’un ici s’occuper de lui. Et voilà que je suis revenue le matin mais l’on m’interdit l’accès. Ils disent que ce n’est pas l’heure des visites alors que j’ai tout fait pour leur faire comprendre que j’étais là hier ».
 
Un homme qui suivait de près la conversation, abonde lui aussi dans le même sens tout en enfonçant le clou.  » Au Sénégal, les centres hospitaliers sont des mouroirs. Vous vous rappelez dernièrement, un conducteur de Jakarta avait été victime d’un accident ici à Kaolack mais il avait finalement rendu l’âme parce que sa famille peinait à prendre en charge les frais médicaux. Si on n’a pas d’argent, il vaudrait mourir chez soi au lieu de venir le faire à l’hôpital… »
 
Joint au téléphone, un membre de And Guesseum servant à l’hôpital régional de Kaolack nous a aidé à avoir une petite idée du personnel sanitaire. « La demande est toujours supérieure à l’offre. L’hôpital régional de Kaolack ne dispose que de 03 gynécologues, 02 cardiologues, 02 neurologues, entre autres. Au niveau de chaque service nous avons 01 à 02 spécialiste (s) et des stagiaires en année de finalisation. Vous voyez que 02 médecins dans un service ne peuvent pas du tout couvrir toute une région. Le problème de l’hôpital est lié à un déficit de spécialistes comme d’ailleurs dans tous les autres hôpitaux du pays… »
 
Notre interlocuteur de poursuivre. « Actuellement, nous assistons à un mauvais procès à l’endroit des blouses blanches. On doit savoir qu’un médecin ne peut pas prendre en charge deux malades à la fois. Et c’est la raison pour laquelle, très souvent, l’on fait face à certaines situations. C’est l’État qui doit faire de la santé une priorité ou en tout cas essayer de renforcer les moyens en recrutant assez de spécialistes dans les hôpitaux et en relevant les plateaux techniques. Beaucoup d’efforts restent à faire en ce sens… »
 
Rencontrée près de la préfecture de Kaolack, Nafissatou Ndiaye, aborde la question relative à la nuit de garde.  » Tout le problème se situe là bas. Rares sont les médecins qui assurent la nuit de garde, au contraire on laisse ça à un personnel peu qualifié d’où les nombreux problèmes. Certes, les gens doivent être beaucoup plus cléments envers nos blouses blanches, mais elles aussi doivent savoir que ce sont des êtres humains riches ou pauvres qui fréquentent les hôpitaux pour se faire soigner. On a besoin de nos médecins comme eux ont besoin de nous… », a conclu notre interlocutrice…
 
RUFISQUE OU LE SYNDROME D’UN RÊVE BRISÉ…
 
Rufisque … Oh la belle Rufisque où vétusté n’est guère un mot vide de son sens. Le colonisateur ne se perdrait pas s’il lui prenait l’envie de revenir. Ses bâtiments sont encore là, en moins jolis, toutefois. 
 
Avec  l’arrivée d’un nouveau directeur, qui avait annoncé de grandes réformes dans la structure sanitaire qui était en délabrement très avancé, l’espoir était ravivé. Plusieurs mois après, c’est l’amertume issue d’un rêve déchu qui est constaté chez les populations. « L’hôpital  Youssou Mbargane est plus alité que ses patients. 
 
Une petite enquête aura permis de nous renforcer dans ce que l’on savait déjà. Cette structure sanitaire ne dispose pas de radio, ni de scanner. Le service d’urgence est très délabré. Les lits sont vieillots. Le plus grave est que les salles d’hospitalisation sont envahies par des chats et par des moustiques et que les moustiquaires imprégnées attachées sur les lits sont trouées ». Là, confidence nous est faite par une dame qui assistait sa maman admise aux urgences. 
 
Sur place on peut faire le constat de tous ces maux énumérés. La seule rénovation majeure visible, c’est la réorganisation de l’accueil qui s’est amélioré, des fleurs plantées ça et là améliore un peu le cadre. Mais l’intérieur des salles d’urgence et d’hospitalisation montre la triste réalité qui règne presque dans la quasi-totalité des hôpitaux du Sénégal : « Il y a un manque criard de plateau technique relevé pour la prise en charge des malades et les stagiaires font presque tout le travail. » Ces derniers, qui viennent parfois directement des écoles de formation, « sont sans expérience et sans aucune aptitude à bien s’occuper des patients », déplore un patient. 
 
Pour fixer les populations et éviter des déplacements vers les hôpitaux de Dakar, des médecins spécialistes font la navette et ne viennent donc à Rufisque que deux jours dans la semaine.
 
TOUBA PRÉFÈRE SE TAIRE 
 
Contrairement aux autres hôpitaux du Sénégal où c’est le matériel médical qui est soit obsolète, soit inexistant, à Touba l’on ne semble trop souffrir de ce cauchemar. Dans la cité et à des degrés moindres chez son voisin de Mbacké, le problème est tout autre. Matlaboul Fawzeini, Ndamatou et les autres structures sanitaires du département souffrent  énormément de la concurrence des cliniques et des pharmacies qui naissent comme des champignons. La conséquence immédiate de ce phénomène, c’est que c’est le personnel qui vide les structures privées pour aller déposer leurs baluchons dans le privé.
 
Là n’est pas toujours pas le problème !
 
Souleymane explique : « J’ai été surpris de retrouver le même médecin qui m’a recommandé d’aller vers une clinique de la place pour opérer mon oncle à un tarif  plus cher que celui qui m’était proposé à Fawzeyni. Son prétexte a été de me dire que sa liste d’attente était longue et qu’il ne devait officier que quelques heures dans l’hôpital ».
 
Que dire du tapisser originaire de Louga devenu aide-soignant à Touba et de cette femme de ménage qui joue à la sage-femme ? Nul ne peut tout dire…
                                                                                            Ces deux personnes ont la particularité d’appartenir à un même parti politique dans lequel ils sont très actifs . D’aucuns confient qu’ils doivent leurs positions dans l’hôpital justement à ce statut de grands militants. 
                                                                                      Quand-même, à côté de ce groupe «  de malfaiteurs », il y’a des médecins, infirmiers et sages-femmes qui n’hésitent pas à se démultiplier pour sauver des vies … Respect à eux !
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