Les Africains doivent élaborer leurs politiques mémorielle et patrimoniale en toute souveraineté, a affirmé le professeur Ibrahima Thioub, spécialiste de l’histoire moderne et contemporaine. Il estime qu’il est temps pour le Sénégal de se doter d’une politique ambitieuse en matière de documentation, de bibliothèque et d’archives.
Ibrahima Thioub mentionne qu’il est de la responsabilité des Africains de se positionner par rapport à eux-mêmes en élaborant leurs politiques mémorielles et patrimoniales, sans attendre de qui que ce soit. Selon lui, une mémoire panafricaine s’imposera au monde si l’Afrique y met l’engagement et les moyens nécessaires à sa survenue.
Concernant la décision des autorités françaises de reconnaître que six tirailleurs sénégalais exécutés en 1944 au camp de Thiaroye sont morts pour la France, il suggère de ne pas accorder plus d’importance qu’elle n’en a à la décision de l’État français. Il considère qu’il est illusoire d’attendre de la France et de ses autorités une politique mémorielle de la colonisation conforme aux vœux africains.
Pour que le continent africain impose sa propre mémoire historique au reste du monde, les dirigeants doivent mettre les artistes, les écrivains, les cinéastes et les créateurs dans les meilleures conditions de production pour célébrer et commémorer les figures et les moments marquants de leur passé, explique Thioub.
L’ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop rappelle que les historiens africains ont depuis longtemps montré d’incontestables talents pour faire sens du passé du continent. Les grandes aventures intellectuelles comme Présence africaine et l’Histoire générale de l’Afrique en sont des illustrations.
Ibrahima Thioub ajoute que la relève est assurée un peu partout dans les universités du continent. Cependant, il note que la faiblesse majeure reste les politiques nationales de la documentation, des archives et des bibliothèques.
Il estime qu’il est temps pour le Sénégal de se doter d’une politique ambitieuse en matière de documentation, de bibliothèque et d’archives. Cette politique permettrait d’avoir une grande bibliothèque nationale et une maison des archives utilisant massivement le numérique.
Thioub déplore l’état actuel des archives dont la conservation pose problème. Selon lui, la situation actuelle des archives nationales, en errance depuis des années, n’est pas compatible avec une politique souveraine de la mémoire et du patrimoine. L’écriture de l’histoire en souffre au quotidien.