L’année 2023 tire à sa fin avec son lot de morts durant des manifestations de juin liées à la condamnation de Ousmane Sonko et aussi des accidents de Sikilo et de Sakal. Cette liste funeste n’est qu’une goutte d’eau prélevée de l’océan si nous comparons avec des milliers de jeunes sénégalais qui ont péri dans le ventre de l’Atlantique avec une vague de 32.000 migrants qui ont déferlé sur les côtes d’Europe précisément sur les petites îles qui constituent la Grande Canaria pour parler espagnol. Et, comme un malheur ne vient jamais seul, on a enregistré une saisie record de drogue dure sans oublier le faux monnayage qui affole tous les compteurs. Même un apothicaire se perdrait dans les décomptes. Au plan politique, c’est le retour de Karim Wade et de Khalifa Sall dans la course présidentielle qui a marqué les esprits . Le renoncement de l’actuel Président de la République, Macky Sall à un troisième mandat ne peut pas aussi être rangé dans le registre des faits anodins.
Ousmane Sonko dans tous ses états
De fonctionnaire radié, il a connu en quelques années une ascension politique fulgurante. De député à l’Assemblée nationale, il devient maire de la ville de Ziguinchor. Son ascension vers le sommet est compromise avec ses déboires judiciaires.
Dans l’affaire de viol qui l’oppose à la masseuse Adji Sarr, Ousmane Sonko est condamné, le 1 juin, par contumace à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » assortis d’une amende de 600 000 FCFA, par la Chambre criminelle de Dakar. Procès auquel il n’a pas pris part car il s’était rendu à Ziguinchor, sa base politique.
Le vendredi 28 juillet 2023, il est interpellé à son domicile au retour de la prière après une altercation avec une gendarme. Il est accusé de « vol avec violence ». Le 31 juillet au moment où le Président Macky Sall tient son dialogue national, Ousmane Sonko est inculpé par un juge qui a ordonné son placement en détention pour « appels à l’insurrection et complot » contre l’Etat du Sénégal. Au total, sept chefs d’inculpation sont retenus contre l’ancien député. Et moins de deux heures après son inculpation et son placement en détention, le parti politique de Ousmane Sonko (PASTEF) a été dissous par l’ancien ministre de l’Intérieur, Antoine Abdoulaye Diome par décret.
« Procès pour diffamation »
En détention depuis le 31 juillet, Ousmane Sonko a été radié des listes électorales. Après un long feuilleton judiciaire, un tribunal de Dakar a ordonné, jeudi 14 décembre 2023, sa réintégration sur les listes électorales. Il a déposé sa candidature au Conseil constitutionnel malgré des dossiers manquants : fiche de parrainages et attestation de caution.
Juin, le Sénégal tangue dangereusement
La tension atteint un paroxysme poussant les autorités à restreindre l’accès à l’internet et aux réseaux sociaux qu’elles considèrent comme étant des vecteurs des messages haineux et subversifs.
Un livre blanc a été publié par le gouvernement du Sénégal. C’était pour y donner sa version des faits et retracer l’affaire dite ‘’Sweet Beauté’’ du début jusqu’aux manifestations du mois, en passant par la décision du juge. En réponse à ce livre blanc, le parti de l’opposant a publié un mémorandum pour décrier les ‘’injustices’’ subies par le président du parti, Ousmane Sonko.
Une situation tendue qui n’a pas laissé indifférente la communauté internationale. En effet, la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a condamné ‘’fermement les violences qui ont visé les forces de sécurité, les biens publics, les propriétés privées ’’. Pour sa part, la Commission de l’Union africaine a appelé au respect du droit citoyen.
Renoncement au troisième mandat : un coup de théâtre !
Le 3 juillet 2023, une date qui marquera à jamais l’histoire politique du Sénégal. Dans un message à la nation, le Président de la République du Sénégal, Macky Sall annonce qu’il ne se représentera pas en 2024 : ‘’Ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024’’.
Une décision qui sonne comme un coup de théâtre : le président sénégalais avait reçu, à deux jours de son annonce tant attendue, les 475 maires et 37 présidents de conseil départemental, signataires d’une pétition en faveur d’une nouvelle candidature.
Cela faisait plus d’un an que le président faisait planer le suspense sur une éventuelle troisième candidature, plongeant le pays dans l’incertitude et de fortes tensions. Si son camp arguait de la révision constitutionnelle de 2016 pour souligner que “les compteurs étaient remis à zéro” et que leur chef pouvait se présenter à nouveau à l’élection présidentielle de février 2024, ses opposants rappelaient que la Constitution limitait désormais à deux le nombre de mandats, ce qui rendait cette troisième candidature illégale.
Mais en cette soirée de juillet, M. Sall tranche définitivement la question : “J’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété, ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole”.
“Le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders capables de pousser le pays vers l’émergence”, ajoute-t-il.
Cette décision et ce discours lui valent les éloges de la communauté internationale.
Amadou Ba intronisé dauphin de Macky Sall
C’est finalement Amadou Bâ, Premier ministre depuis 2022, qui a été désigné par Macky Sall pour être le candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar lors de la présidentielle de février 2024. Deux mois et six jours après le discours annonçant à ses compatriotes qu’il ne briguerait pas un troisième mandat, Amadou Ba a officiellement été désigné par le Chef de l’État pour être son dauphin lors de la prochaine présidentielle.
Après avoir attendu deux mois pour trancher parmi une dizaine de candidatures déclarées, Macky Sall a choisi Amadou Ba. Une décision du président Sall qui a cependant « nourri » certaines amertumes. En effet, Aly Ngouille Ndiaye, Boune Abdallah Dionne, entre autres, ont démissionné de la coalition et ont ainsi déposé leur candidature. Néanmoins, la majorité du camp présidentiel a fait allégeance à Amadou Ba. Il a été investi par l’APR, l’AFP et le PS.
A noter que la candidature d’Amadou Ba « est la seule et unique candidature de Benno Bokk Yakaar », a prévenu Macky Sall. Il a lancé un appel à l’unité autour de cette candidature ».
Le drame de l’émigration clandestine et ses décomptes macabres quasi-quotidiens se poursuit au Sénégal. Depuis le mois de janvier, plus de 32. 000 personnes ont débarqué aux îles Canaries, dont une majorité de Sénégalais. Chaque jour quasiment, des naufrages de pirogues et des dizaines de décès sont annoncés par la presse.
Face à cette situation qui perdure, le Président de la République, Macky Sall ordonne le 8 novembre 2023, lors du conseil des Ministres que des mesures d’urgence soient prises pour endiguer le flux massif des départs de migrants. Le Chef de l’Etat demande au gouvernement « des mesures sécuritaires, économiques, financières et sociales d’urgence afin de stopper les départs d’émigrants à partir du territoire national ».
A l’épreuve de la réalité, aucune décision n’a freiné l’exode des jeunes sénégalais qui affrontent l’océan au péril de leur vie. En effet, selon des chiffres officiels publiés, le jeudi 16 novembre 2023, « le nombre de migrants arrivés, depuis le début de l’année aux Canaries, a dépassé celui de 2006, année d’une crise migratoire record dans ces îles espagnoles. Entre le 1er janvier et le 15 novembre, 32 436 migrants ont débarqué dans l’archipel espagnol, contre un total de 31 678 en 2006.
Cependant, parmi la disparition en mer d’un millier de migrants, le décès de Pape Ibrahima Guèye, appelé Papio Kara a ému des milliers de personnes qui ont exprimé leurs compassions à travers les réseaux sociaux. Connu pour ses revues de presse humoristiques, il est décédé à bord d’une pirogue clandestine à destination des îles espagnoles des Canaries. Mort de froid aux côtés de cinq autres personnes, Papito Kara avait pris départ dans la plus grande discrétion depuis Kayar le 24 octobre dernier.
A noter que durant cette année « plus de 7 000 individus s’adonnant au trafic de migrants avec des pirogues clandestines ont été arrêtés. Ils sont traduits devant la justice » selon l’actuel ministre de l’Intérieur Sidiki Kaba.
Retour de Khalifa Sall et Karim Wade dans le jeu politique
Condamnés dans des affaires financières distinctes, Khalifa Sall et Karim Wade n’ont pas pu concourir lors de l’élection présidentielle de 2019. Cependant, le samedi 5 août 2023, leur éligibilité a été rétablie par l’Assemblée au détour du dialogue national organisé par le Président, Macky Sall.
A sept mois de la présidentielle du 25 février 2024, les deux opposants sont réinscrits sur les listes électorales et pourront ainsi concourir au scrutin. Cette réhabilitation fait suite au vote du texte portant réforme du code électoral par 124 députés devant le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique.
Khalifa Sall et Karim Wade figurent à nouveau sur les listes électorales et se présenteront à l’élection de février après avoir bénéficié d’une amnistie. Après des années d’absence, les deux « K » reviennent dans le jeu politique au grand bonheur des députés des coalitions Wallu Sénégal et Taxawu Sénégal.
Toutefois, il y a eu des tensions entre Taxawu, Wallu et leurs collègues de Pastef. Ces derniers n’étaient pas favorables à cette loi qui réintègre deux acteurs politiques majeurs, en laissant en rade, Ousmane Sonko qui s’est « décidément » retrouvé « seul » contre les conclusions « fructueuses » du dialogue national pour Khalifa Sall et Karim Wade.
Malgré les amendements de l’article L57 du code électoral évoqués par le président du groupe parlementaire de Yewwi Askan wi et membre de Pastef, Birame Souleye Diop, la majorité a estimé opportun et cohérent au regard des discussions issues du dialogue national, de faire revenir l’ancien maire de Dakar et Karim Wade dans l’espace politique.
Réintégrés sur les listes électorales, ils ont bouclé le parrainage et ont déposé leur dossier au Conseil Constitutionnel. Sauf surprise de dernière minute, ils seront en lice pour la présidentielle de février 2024.
Année meurtrière sur les routes
En 2023, les routes ont emporté des vies. Deux accidents tragiques ont causé plus de 60 morts. Les accidents de Sikilo et Sakal resteront les pires souvenirs de l’an 2023.
Dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 janvier 2023, dans la localité de Sikilo près de la ville de Kaffrine, l’éclatement d’un pneu a entraîné une collision entre deux bus transportant 139 passagers. Le gouvernement du Sénégal retient pour le bilan officiel 40 morts. Le Chef de l’État, Macky Sall, qui avait précédemment décrété « un deuil national de trois jours à partir de lundi », promet des mesures rapides pour éviter une nouvelle « tragédie ».
Mais une semaine après, 16 janvier 2023, un nouvel accident est survenu dans l’arrondissement de Sakal, commune de Ngueune Sarr, dans la région de Louga. Cette fois-ci, le bilan est de 20 morts. Un car « Ndiaga Ndiaye » est entré en collision avec un camion.
Ces deux accidents les plus meurtriers de l’année ont remis au goût du jour la problématique de la sécurité routière au Sénégal. De l’étroitesse des routes à la conduite imprudente des chauffeurs en passant par la corruption répandue des agents chargés de faire respecter le code de la route, les maux sont nombreux.
Une vingtaine de mesures sont prises par le gouvernement. Certaines de ces dispositions ont été décriées comme étant inapplicables par les principaux concernés : les automobilistes et les propriétaires de voiture de transports en commun.
Une affaire qui a défrayé la chronique, quelques jours après le verdict rendu contre l’opposant Ousmane Sonko. Il s’agit des 27 filles qui ont accusé leur maître coranique de viol au quartier Sahm, à Touba. L’affaire éclate quand une des filles avait refusé de retourner à l’école parce que le maître coranique ‘’entretenait avec elle et toutes les autres filles des rapports sexuels’’. Les victimes sont des ‘’mineures’’. Elles avaient presque toutes moins de 15 ans. Le violeur présumé, à l’éclatement de l’affaire, était en cavale. Il a été arrêté quelques semaines après s’être livré lui-même à la police.
Des organisations féminines se sont impliquées pour élucider cette affaire. Le ministère de la Femme, de la Famille et de la Protection des Enfants avait aussi apporté son aide. Le département ministériel s’était engagé pour un ‘’accompagnement psycho-social et juridique des enfants’’. L’affaire est encore en instruction.
Drogue, l’année tous les records
Longtemps considérée comme une simple zone de transit pour les drogues produites en Amérique latine en direction de l’Europe, l’Afrique de l’Ouest et du Centre est aussi devenue une région de forte consommation, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Le Sénégal n’échappe pas au phénomène.
Le 22 décembre, la marine a saisi 690 kg de cocaïne qui étaient convoyés à destination de l’Europe dans une embarcation ultra-rapide de type go-fast et arrêté les cinq Espagnols à son bord. Le 28 novembre et le 16 décembre, l’armée avait également annoncé des saisies en mer de près de trois tonnes de cocaïne à chaque fois.
Plus de 800 kg de cocaïne avaient aussi été saisis en janvier sur un navire au large de Dakar par la marine.
Des chiffres qui confirment la tendance de la place centrale de l’Afrique de l’ouest dans le trafic de drogue. Selon l’ONUDC, entre 2019 et 2022, au moins 57 tonnes de cocaïne ont été saisies en Afrique de l’Ouest ou en route vers cette région, principalement au Cap Vert (16,6 tonnes), au Sénégal (4,7 tonnes) et au Bénin (3,9 tonnes).
Entre la pléthore de candidats et les affaires juridiques qui pèsent sur les candidatures, l’issue du scrutin semble incertaine. Programmée le 25 février 2024, la présidentielle se profile avec son lot d’inédits et d’incertitudes. Pronostiquer sur le successeur de Macky Sall, s’avère périlleux. D’ailleurs, c’est la première fois, dans l’histoire du Sénégal qu’un Chef de l’Etat décide de partir sans participer à une élection présidentielle. C’est la première fois également qu’un si grand nombre de Sénégalais a manifesté son souhait d’occuper le fauteuil présidentiel. Un peu moins de deux semaines après l’ouverture de la course aux parrainages, ils étaient 266 candidats ayant retiré des fiches de parrainages à la Direction générale des élections (DGE). Ce qui relève d’une gageure. Car, entre autres, le nombre de postulants virtuels, politiques confirmés ou non ou membres de la société civile, atteint des sommets. A la veille de la clôture des dépôts de candidatures, seulement 77 prétendants au fauteuil présidentiel ont payé la caution auprès de la caisse des dépôts et des consignations (CDC) et seuls les 33 ont déposé leurs dossiers au Conseil Constitutionnel.
Un acte de barbarie qui a choqué l’opinion en octobre 2023. Les images d’une foule surexcitée qui exulte autour d’un feu, à quelques mètres du cimetière où le cadavre d’un homme présenté comme un « homosexuel » a été exhumé et brûlé par les habitants de Léona Niassène, circulent dans les réseaux sociaux. Cette affaire, qui a suscité des commentaires, a fait réagir le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Kaolack. Abasse Yaya Wane, qui s’est saisi de l’affaire, a demandé l’ouverture d’une enquête afin d’en identifier les auteurs et engager, contre eux, des poursuites pénales prévues par la loi en la matière. En effet dans la soirée du 28 octobre 2023, des individus non identifiés se sont présentés aux cimetières de Léona Niassène. Ici, ils ont ainsi exhumé le corps de Ch. Fall et l’ont traîné dehors, avant de le brûler.
Des actes d’une extrême gravité relevant de la barbarie et qui, d’après le procureur, « interpellent les autorités et ne peuvent rester impunis ».
Concernant le corps exhumé et brûlé à Kaolack, Seneweb informe que la dépouille du présumé homosexuel C.F. avait été acheminée à Touba, conformément aux volontés de sa mère, mais informés de la supposée orientation sexuelle du défunt, les membres du Dahira Khidma, chargés de la gestion de la Grande Mosquée, et des cimetières de Touba ont éconduit le cortège. De retour à Kaolack, les membres de la famille ont enterré la dépouille en « secret » au cimetière ».
Mais, les jeunes du quartier de Ndagane (Kaolack), qui avaient assiégé vendredi la maison mortuaire pour s’opposer à l’inhumation du présumé homosexuel à Kaolack, ont pu percer le mystère et ont extrait le corps du caveau avant de le brûler.