Amnesty International a publié ce mercredi 24 avril son rapport pour l’année 2023. Face à la presse, Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal a brossé un tableau sombre s’agissant du respect des droits humains au cours de l’année 2023.
Selon Seydi Gassama, « la situation a été catastrophique » en termes de respect des droits humains en 2023 au Sénégal. Il a dénoncé « les graves atteintes sur la liberté d’expression, les réunions pacifiques, les détentions arbitraires en plus de la situation inquiétante des enfants » .
Seydi Gassama a notamment mis en exergue les interdictions systématiques des manifestations « y compris en centre ville de Dakar avec l’arrêté Ousmane Ngom alors que la Cour de la CEDEAO en avait demandé le retrait ». « Aujourd’hui encore, il n’est pas possible au Sénégal de manifester devant l’Assemblée nationale alors qu’il est pratiquement possible de le faire presque partout dans le monde » a-t-il déploré.
Autre atteinte à la liberté d’expression notée par Amnesty, « la coupure d’ Internet, la suspension du réseau social Tik Tok » mais aussi la coupure du signal de la télévision Walfadjri.
Amnesty International a aussi dénombré des milliers de personnes arrêtées durant les manifestations entre mars 2021 et octobre 2023 parce qu’elles exerçaient leur droit de manifester ou d’expression notamment sur les réseaux sociaux. « C’est dans ce contexte qu’on a connu l’arrestation de Aliou Sané du mouvement Y’en a marre alors qu’avec des figures de l’opposition, il comptait rendre visite à Ousmane Sonko qui était séquestré dans sa maison », a rappelé Seydi Gassama qui n’a pas manqué d’évoquer les cas de certains activistes « comme Hannibal Djim ou Falla fleur ».
“Les journalistes ont souffert”
Seydi Gassama a également évoqué les atteintes contre les droits des journalistes. « Les journalistes aussi ont souffert », a-t-il affirmé. Il a évoqué « le cas du Pape Alé Niang arrêté plusieurs fois et encore sous le coup d’une liberté provisoire obtenue après des pressions exercées par lui-même avec des grèves de la faim mais aussi des pressions de la part du peuple sénégalais ».
« Il y a aussi le cas du journaliste Pape Ndiaye, celui de Serigne Saliou Gueye arrêté et détenu pour avoir critiqué des magistrats », a-t-il indiqué.
Seydi Gassama est aussi revenu sur les mésaventures subies par des défenseurs des droits humains comme Rouguy Diallo, qui dirige la plateforme Alerte Kédougou Environnement, “arrêtée à la suite d’une dénonciation puis libérée après 6 mois de détention. »
Dans ce rapport, Amnesty fustige également « le recours systématique à la force durant des manifestations ayant conduit à la mort d’une soixantaine de personnes” . « Nous avons vu des Forces de Sécurité (FDS) tirer sur des manifestants qui n’étaient armés que de pierres et aussi à Ngor par exemple, nous avons noté la répression violente de la gendarmerie alors que les populations se battaient pour la construction d’un collège sur un terrain affecté à la gendarmerie. Une jeune fille du nom de Adja Diallo a perdu la vie ». Durant ces manifestations Amnesty dit avoir noté « beaucoup de blessés ».
Lueur d’espoir
Face à ces nombreuses atteintes, M. Gassama a déploré la culture de l’impunité qui règne encore. « Aucune information ouverte n’a connu une suite », a-t-il observé. « Nous avons commis des médecins légistes pour assister des familles et nous avons veillé à ce que ces familles aient des avocats. Il y a une volonté manifeste d’accorder l’impunité aux FDS qui semble aujourd’hui être validée par la loi d’amnistie votée », a-t-il poursuivi.
Après cette note pessimiste, Seydi Gassama dit, néanmoins, avoir « beaucoup d’espoir » après la tenue de la présidentielle. « Des Sénégalais se sont mobilisés pour exiger la tenue de la présidentielle et le Conseil Constitutionnel a été à la hauteur » a-t-il déclaré.
Amnesty International Sénégal compte rencontrer les autorités du pays pour savoir dans quelle direction elles comptent aller s’agissant de la situation des manifestations, du cas des talibés entre autres sujets.