L’élection présidentielle de 2024 s’annonce assez paradoxale. D’un côté, cela tient au fait qu’à sept mois des joutes électorales, la mouvance présidentielle est toujours en quête d’un candidat consensuel et malgré la charte signée mardi dernier au sein de Benno Bokk Yaakaar, rien ne présume que le candidat qui sera choisi par Macky Sall et Cie fera l’unanimité au sein de la coalition, tant les oppositions sont frontales. De l’autre côté, même si les déclarations de candidature se multiplient, le filtre du parrainage est encore là. Sans oublier la reconfiguration de l’opposition avec l’éligibilité de Karim Wade et de Khalifa Sall et le cas Ousmane Sonko.
A sept mois de l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024, l’on se demande encore qui sera le candidat de la mouvance présidentielle. Ajouté à cela, le principal opposant Ousmane Sonko, est emprisonné depuis le 31 juillet dernier pour différents crimes et délits. Ce qui amenuise ses chances d’être candidat. Rarement, le décor a été aussi flou à quelques encablures d’une présidentielle. En effet, le 3 juillet dernier, le Président de la République, Macky Sall, a annoncé qu’il ne se représentera pas à l’élection présidentielle de 2024. Sur ce, des noms ont bruissé de partout mais ses partisans affirment lui avoir donné carte blanche pour le choix du candidat qui portera les couleurs de leur mouvance. Cependant, plus d’un mois après, Macky Sall peine encore à trouver un candidat consensuel. Pour preuve, lors de sa dernière rencontre, la coalition Benno Bokk Yakaar a fait signer aux candidats à la candidature une charte intitulée «Pacte d’honneur devant Dieu». Toutefois, il en est sorti que plusieurs prétendants n’ont pas adhéré à la charte qui contient dix points.
Parmi ceux-ci : « Le candidat choisi doit poursuivre le travail de la coalition » ; « Le candidat doit bénéficier du soutien des autres candidats» ; « Rester fidèle aux idéaux du BBY : gagner ensemble, gouverner ensemble ».
Ce désaccord au sein de la coalition présidentielle en dit long sur les risques d’une implosion après la révélation de son candidat. D’autant plus que certains leaders de la coalition au pouvoir ont déjà en ligne de mire une candidature même si pour le moment ils affûtent les armes et laissent courir la rumeur.
Pluralité de candidatures, les unes aussi fantoches que les autres
Même si le candidat de la coalition du parti au pouvoir n’est pas encore rendu public, moult prétendants ont officialisé leur candidature pour la présidentielle. Les unes aussi fantoches que les autres. Et pour cause, les potentiels candidats devront passer le filtre du parrainage même s’il a été assoupli. Pour cause, les députés ont donné leur feu vert pour réduire à 0,6% minimum et 0,8% maximum du corps électoral, le taux du parrainage citoyen requis pour être candidat à la présidentielle de 2024. En même temps, ils ont validé le parrainage des élus (maires et présidents de Conseil départemental) à hauteur de 13%. Parmi les personnes qui ont annoncé leur candidature, on peut citer entre autres, la directrice générale de la SEDIMA, Anta Babacar Ngom, l’ancien Premier ministre, Aminata Touré, l’ancien ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta qui a quitté la coalition Benno Bokk Yaakaar et lancé son parti.
Reconfiguration de l’opposition avec l’éligibilité de Karim Wade et de Khalifa Sall
L’éligibilité de Karim Wade et de Khalifa Sall risque encore de changer les cartes. Exclus à l’élection présidentielle de 2019 à cause de leurs condamnations dans des affaires financières, ils devraient être en lice en 2024. L’Assemblée nationale a acté leur éligibilité le samedi 5 août, en adoptant la réforme du Code électoral. Si le texte défendu par le gouvernement est promulgué, Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, et Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, s’annoncent parmi les principaux candidats à la présidentielle de février 2024. Et ce replacement de Khalifa Sall et de Karim Wade pourrait conduire à une reconfiguration de l’opposition sénégalaise, même si leurs candidatures semble encore en suspens, en raison de l’épée de Damoclès que constituerait l’amende consécutive à la peine infligée par le tribunal.
Le cas Ousmane Sonko
Autre facteur qui semble faire de la présidentielle de 2024 un scrutin dont les cartes sont brouillées, c’est le cas du principal leader de l’opposition Ousmane Sonko, malgré ses multiples déboires judiciaires. Inculpé pour différents crimes et délits dont « complot contre l’autorité de l’Etat », « appel à l’insurrection », placé sous mandat de dépôt depuis le 31 juillet dernier, et son parti dissout, le maire de Ziguinchor reste encore éligible.
Ses partisans, tout comme beaucoup de juristes, estiment toujours toutefois que cela n’enlève en rien son éligibilité à la présidentielle de 2024. A leurs yeux, son arrestation a anéanti la décision de justice. Par conséquent, un nouveau jugement s’impose. Ce que le gouvernement bat en brèche. Après le procureur de la République, c’est au tour du ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall, de monter au créneau, pour dire que son arrestation n’a rien à voir avec l’affaire Sweat Beauté. « Le contumax est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi. Et donc, pour l’instant, la contumace ne tombe pas. Parce que le jugement de la Chambre criminelle qui l’a condamné à 2 ans de prison n’est pas exécuté»,a-t-il dit lors d’une conférence de presse tenue le lundi 7 août. Il faut aussi rappeler qu’Ousmane Sonko a été condamné par la Cour d’appel de Dakar à 6 mois de prison avec sursis, à payer 200 millions F CFA de dommages et intérêts et de contrainte par corps maximum pour diffamation. C’est dire la situation paradoxale dans laquelle le pays se trouve à 7 mois de la prochaine élection présidentielle.
Mariame DJIGO Sud Quotiden