[Présidentiables 6/19] Pr Daouda Ndiaye : Le philanthrope intéressé

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A l’étape des parrainages, ils étaient peu nombreux à miser sur le professeur Daouda Ndiaye, candidat indépendant. Aujourd’hui encore, il sera difficile de parier sur sa victoire, même si l’universitaire, enfant de la banlieue, s’est taillé une image de philanthrope.

L’opinion le voyait déjà dans la grande coalition des candidats recalés pour défaut de parrainage. Néophyte en politique, sans appareil, moins connu des masses populaires, Pr Daouda Ndiaye, 50 ans, avait tous les handicaps pour échouer à une épreuve qui donne le tournis à des équipes plus aguerries dans la collecte de parrains. Et pourtant, le candidat indépendant est bien de la course pour la présidentielle de 2024. Non seulement il a réussi l’épreuve du parrainage, à la surprise générale, mais celui que l’on dit être américain (il a démenti) a également échappé au dernier filtre du Conseil constitutionnel ayant retenu Karim Wade, pour une double nationalité. L’heure est donc venue pour l’enseignant-chercheur de tester sa popularité auprès des électeurs. Verdict attendu le soir du 24 mars 2024.

Pour arriver à ce stade, le professeur Daouda Ndiaye a dû apprendre auprès de son partenaire, Billes Gates, les stratégies pour se faire passer pour un grand philanthrope. A l’image du milliardaire américain, l’universitaire sénégalais a su trouver les ficelles pour vendre son image.

Au début de l’histoire, c’était un spécialiste reconnu dans le secteur de la santé, en particulier dans la lutte contre le paludisme. En 2016, il réussit la prouesse de découvrir un test du palu dénommé  »Illumigène-Malaria ».

Dès lors, le nom du chef du Service de Parasitologie et Mycologie de l’Hôpital Aristide Le Dantec a fait le tour du Sénégal, de l’Afrique et même du monde. C’était le moment idéal pour surfer sur les vagues de la notoriété.

Des laboratoires, le spécialiste de la santé atterrit sur le terrain du social. Ayant échappé au paludisme tout jeune, Daouda Ndiaye revendique fièrement son appartenance à la banlieue. Une bonne stratégie sans doute pour se vendre comme un modèle de résilience et de réussite. De Pikine-Guédiawaye au lycée Limamoulaye où il a eu le bac, il finit par devenir Conseiller spécial à l’Université Harvard aux États-Unis après y avoir fait une partie de ses études.

Engagement en faveur de la communauté

L’universitaire se dit qu’il est sans doute le profil idéal pour inspirer la jeunesse désorientée de la banlieue. Mais aussi l’occasion de se faire une image de bienfaiteur. Avec son mouvement Actions lancé en 2019, Pr Daouda Ndiaye multiplie les bonnes œuvres. Dons de kits scolaires à Dakar, Thiès et Kaolack.

En 2020, après les fermetures des classes suite à la pandémie de Covid-19, son mouvement s’est distingué dans la désinfection des salles de classes avant la reprise des cours, sans compter le matériel scolaire pour les candidats au Bfem et au baccalauréat de cette année-là. Pour venir en aide aux plus démunis, il déplace un camion mobile à Matam pour des consultations gratuites et organise des séances de don de sang en pleine pandémie. En dehors de la santé, Pr Daouda Ndiaye apporte une aide alimentaire aux nécessiteux, accorde des financements à des groupements de femmes et mobilise son mouvement dans la lutte contre les inondations.

Des gestes bien appréciés dans un pays comme le Sénégal, ce qui lui confère une petite popularité, notamment dans la banlieue.

Cependant, si ces actions méritent sans aucun doute d’être saluées, il est bon de préciser qu’elles sont menées à grand renfort publicitaire. Face aux caméras, le Pr Daouda Ndiaye est en première ligne, toujours debout à côté des produits à offrir. Pendant les consultations, il est filmé en pleine action. D’ailleurs, à ses débuts, pour bien mener sa communication, il s’est fait accompagner par un journaliste qui lui sert de relais auprès de la presse. Bref, une philanthropie bien médiatisée.

Dès lors, il n’était point besoin d’être un spécialiste de la communication politique pour le voir venir. Sa descente dans l’arène se sentait déjà à mille lieux. Le voilà en plein régime.

Tel un malade sur son lit de mort

Si l’ancien interne des hôpitaux a fini de convaincre par sa maîtrise de la science sanitaire, il lui faudra prouver en politique. Et le moins que l’on puisse dire est que le début n’est pas des plus réussis. Après l’interruption du processus électoral par le président Macky Sall, l’opposition organise une marche pour exiger la tenue du scrutin à date échue. La marche étant interdite, les forces de l’ordre n’ont pas ménagé les participants, même pas les candidats.

Le Pr Daouda Ndiaye y va, habillé d’un caftan blanc immaculé. Première erreur ! Dans ses prises avec les forces de l’ordre, il subit des blessures légères, ses habits sont déchirés. Le prétexte idéal pour en faire un scandale. Il s’en charge lui-même. Sur les réseaux sociaux, il se pose en victime, photo à l’appui. « Je viens d’être examiné. Comment peut-on faire ça à un candidat à l’élection présidentielle? Blessure à l’œil gauche et entorse du poignet droit et habits déchirés sans oublier mes membres et sympathisants arrêtés ».

Sur Facebook, il publie une photo sur laquelle il est étalé sur son lit d’hospitalisation, comme un mourant. Le Prof venait d’étaler ainsi le peu de connaissance qu’il a de la communication politique. La photo sera beaucoup commentée, le néo-politique raillé.

Mais cette histoire a été vite oubliée, le candidat peut désormais se concentrer sur son programme et son parcours. Il a au moins trois arguments à vendre : il est intellectuel reconnu dans son domaine, il a un réseau à l’international et il s’est déjà mis au service de la communauté en œuvrant dans le social. Malgré tout, il est loin des favoris. Mais la présidentielle pourrait booster davantage sa notoriété.

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