La coalition Yewwi Askan Wi est en train de tracer sa feuille de route, non seulement pour permettre à ses élus locaux de répondre aux préoccupations de leurs populations, mais de s’imposer face à l’Etat central. Lors d’un séminaire de trois jours de renforcement de capacités de ses élus, les responsables de la coalition ont évoqué les défis que compte relever le Réseau des élus locaux du Sénégal (Reels) qu’ils viennent de créer.
Ils ont tenu aussi à donner leur avis sur l’augmentation du nombre de députés à l’Assemblée nationale, la départementalisation précipitée de Keur Massar…
Nouvelle association. «Nous nous réjouissons de cet atelier qui a permis de regrouper les élus de Yewwi Askan Wi. L’idée c’était que l’on n’était pas allé aux élections locales du 23 janvier 2022 simplement pour gagner et après, laisser les élus locaux à eux-mêmes face à l’appareil politique et administratif de l’Etat central. Face aux attentes des populations, nous avions considéré qu’il était important de continuer la logique de solidarité en nous regroupant à travers une association que nous avons dénommée Réseau des élus locaux du Sénégal (Reels). Lequel réseau va regrouper l’ensemble des élus de Yewwi Askan Wi qui sont au nombre de 81. Le Reels reste ouvert aux élus, notamment les maires et présidents des conseils départementaux. Il reste ouvert à tous les élus de l’opposition et même ceux de la mouvance présidentielle qui considéreront que leurs préoccupations relatives à la gestion de leur collectivité peuvent être mieux prises en compte par le réseau que par une autre association. Aujourd’hui, il y a deux associations des maires au Sénégal. La nôtre est portée sur les fonts baptismaux, les textes seront validés avant la fin de ce mois d’Avril. Nous allons bénéficier des subventions qui nous reviennent de droit. Nous convoquerons l’assemblée générale pour élire le bureau et désigner les responsables qui seront notifiés officiellement à l’Etat du Sénégal qui devra, à partir de ce moment, nous intégrer au même titre que l’autre association (Ams) dans tout ce qui devra se faire avec les collectivités locales. Mieux, notre association va s’inscrire dans toutes les associations internationales qui existent au niveau des Cglu (Cités et gouvernements locaux unis), à l’association des maires francophones».
Défis. «Nous avons des défis à relever. Nous avons été élus sur la base d’un programme. Nous considérons que les collectivités locales peuvent apporter beaucoup plus que ce qu’elles apportent jusqu’à présent, si on leur donne un autre contenu tracé par la Constitution, les lois et règlements. Au Sénégal, nous avons des Présidents qui ‘’patrimoinialisent’’ tout et pensent que tout doit tourner autour de leur personne. Le développement doit se concevoir à la base. Ce n’est pas pour rien qu’on est passé du concept de collectivités locales au concept de collectivités territoriales. Ce sont les territoires qui doivent impulser le développement. Les territoires doivent être le premier maillon.
Ce ne sont pas nos personnes qui comptent, mais les institutions qui sont obligées de travailler avec l’Etat central. Nous sommes dans un seul Etat, un seul territoire qui s’appelle le Sénégal. Une commune ne peut pas être une entité indépendante détachée du reste du Sénégal. Aujourd’hui, à Ziguinchor dans le cadre du Pacasen (Programme d’Appui aux Communes et Agglomérations du Sénégal), dans le cadre du Promovilles (Programme de modernisation des villes), l’Etat est obligé de travailler avec le maire de Ziguinchor (Ousmane Sonko, Ndlr). Il ne peut pas venir dans une commune et faire abstraction de celui qui y a été élu. Cette collaboration entre les élus locaux de l’opposition et l’Etat ne veut pas dire qu’ils rejoignent politiquement le camp du pouvoir.
Budget de l’Assemblée nationale. «Nous avons évoqué la question de l’augmentation du nombre de députés qui passe de 165 à 172. Nous voulons dire aux Sénégalais que nous ne sommes pas impliqués dans ce processus. C’est le pouvoir, comme il l’a toujours fait, qui a mené le processus de manière solitaire et sans consultation. Il a décidé d’augmenter le nombre de députés. Nous disons qu’il n’est pas question que l’augmentation du nombre de députés soit le prétexte pour augmenter le budget de l’Assemblée nationale qui est déjà excessif et ne se justifie pas par une rentabilité de l’Assemblée nationale en termes d’apport institutionnel. Rien que les fonds politiques du Président Moustapha Niass, 50 millions FCfa par mois, peuvent valablement payer plus d’une trentaine de députés. Avec 33 millions FCfa, vous pouvez payer 25 nouveaux députés. Il faut que l’argent soit orienté vers des dépenses qui créent des emplois pour les jeunes.
Keur Massar. «C’est ce même pouvoir qui a voulu plaire à annoncer l’érection de Keur Massar en département. Nous ne sommes pas opposés à cela puisque tous les critères démographiques et géographiques étaient réunis. Mais ça s’est fait dans un état d’impréparation. Le pouvoir avait un objectif politique en pensant que si cela était fait, les habitants de Keur Massar seraient tellement satisfaits qu’ils voteraient massivement pour les candidats de la mouvance présidentielle aux élections locales. Ils n’ont pratiquement rien gagné à Keur Massar, malgré les milliards qui ont été déversés durant la campagne électorale. Aujourd’hui, cette précipitation d’ériger Keur Massar en département les rattrape. L’Etat ne doit pas, dans la précipitation, créer des départements. Aujourd’hui, le département de Keur Massar est sans siège, sans bâtiment administratif. Le Conseil départemental est sans siège ainsi que la commune de Keur Massar Sud, la commune de Jaxaay Parcelles. Certaines communes ont dû sortir de leur périmètre pour aller chercher des bâtiments où loger le Conseil pour le moment. L’Etat doit prendre des dispositions pour doter ces communes de bâtiments.Toutes ces communes ont été gagnées aux Locales par la coalition Yewwi Askan Wi. Nous n’accepterons pas que Macky Sall les mettent sous délégation spéciale».