Mamadou Diouf, historien: «La relation entre l’Afrique et la France est en piteux état»

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Historien, professeur à l’université Columbia, l’intellectuel sénégalais Mamadou Diouf a porté un regard critique sur les relations historiques entre la France et l’Afrique. Selon lui, leur intimité a disparu.
 
La relation entre l’Afrique et la France est-elle rompue, et, si oui, est-ce définitif ? A cette question de Jeune Afrique, l’auteur de L’Afrique dans le temps du monde (éd. Rot Bo Krik, 2023) répond : «Elle est, en tout cas, en piteux état. D’un côté, la politique économique, militaire et migratoire de la France, le racisme et la xénophobie d’une société prétendument color blind suscitent bien des frustrations chez les Africains. D’un autre côté, le lien personnel et intime qui s’était développé grâce à la circulation des étudiants et des chercheurs africains ainsi que de celle des ‘coopérants’ et des chercheurs français a lui aussi été rompu ».
 
A en croire, M. Diouf, « la France n’est plus qu’une présence historique lointaine. Elle est réduite à la position de partenaire, au même titre que la Chine ou la Russie. Son intimité avec l’Afrique a disparu ».
 
Washington-Afrique ?
 
Quid des relations de Washington avec l’Afrique, après trois ans de présidence Biden ? Là aussi, le préfacier de l’édition française de L’Invention de l’Afrique, de Valentin-Yves Mudimbe, pense que le continent noir « est quasi absente de l’espace diplomatique américain ». Selon l’historien, l’Afrique n’est pas un enjeu politique important pour Washington.
 
« Cette marginalisation, confie M. Diouf, découle des préoccupations de la politique étrangère américaine, presque exclusivement centrées sur la rivalité économique avec la Chine, sur l’endiguement de la Russie et, en ce moment, sur la guerre entre Israël et le Hamas ».
 
Il explique : « la voix des États-Unis est inaudible, aussi bien à propos des coups d’État militaires que des batailles relatives aux troisièmes ou aux quatrièmes mandats ou encore aux dévolutions dynastiques du pouvoir ».
 
Alliance des États du Sahel (AES)
 
S’agissant, par ailleurs, du rapprochement des régimes militaires (Mali, Burkina, Guinée), le professeur à l’université Columbia ne pense pas que cela fasse écho à l’histoire des grands ensembles imaginés par les panafricanistes de diverses obédiences.
 
De l’avis de Mamadou Diouf, « les régimes militaires ne peuvent, de toute façon, ni favoriser l’émergence de sociétés ouvertes ni proposer de leaderships représentatifs. Leur proximité est plutôt la conséquence opportune de leur exclusion des espaces régionaux, continentaux et internationaux ».
 
Pour autant, poursuit l’intellectuel sénégalais, « on ne peut pas davantage dire que leur entente résulte d’un simple mouvement d’humeur. Il faut y voir l’alliance objective des exclus des espaces diplomatiques dominés, dans le Sahel, par la France et par les intérêts français. À partir de là, les militaires peuvent facilement surfer sur le sentiment antifrançais ». 
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