Opposant, Ousmane Sonko promettait la criminalisation de l’homosexualité. Au pouvoir, il déclare que cette pratique déviante est bien « tolérée et gérée » dans notre pays. La position du chef du gouvernement continue de susciter de vives réactions, mais elle rejoint celle de l’ancien président Macky Sall.
« Les velléités extérieures de nous imposer l’importation de modes de vie et de pensée contraires à nos valeurs risquent de constituer un nouveau casus belli », a notamment souligné le leader de Pastef, lors d’une conférence co-animée avec le fondateur de La France insoumise (LFI), avant d’exhorter l’Europe à respecter les spécificités culturelles du Sénégal, la question de la défense des minorités sexuelles suscitant « énormément de tensions et d’incompréhensions tant elle met face à face des cultures, des civilisations et des systèmes politiques à la vision diamétralement opposée ».
Jean-Luc Mélenchon rétorque : « Je suis le premier législateur français qui a déposé un texte de loi à propos de la possibilité du mariage homosexuel. J’assume ma position politique. Si on ne peut pas se parler franchement, on ne se parle pas. Je ne chercherai pas à vous l’imposer. Vous ferez bien comme vous voulez, et nous aussi ».
«Nous avons des homosexuels chez nous »
Plus loin, le Premier ministre ajoute que « si le phénomène n’est pas accepté au Sénégal, il est toléré et le plus grand danger que peuvent encourir les membres de cette communauté, c’est la propagande qu’on veut nous imposer parce que depuis l’aube des temps, les sociétés ont vécu avec ces phénomènes et il n’y a jamais eu de persécution ni ici au Sénégal ni nulle part en Afrique. Chaque peuple a connu ces comportements jusqu’à leur trouver des concordances sémantiques. Ici au Sénégal, on dit ‘gorjigen’. Nous l’avons géré et nous continuons à le gérer à notre façon et selon nos réalités socio-culturelles. Pour ces considérations, nous appelons pour une fois le monde occidental au respect, à la réciprocité et à la tolérance. Nous aussi avons notre mode de vie. Un mode de vie ne peut pas être uniforme, ni universel. Ils doivent souffrir de quelques exceptions çà et là. Sur ce phénomène, le Sénégal et beaucoup de pays africains ne peuvent accepter une quelconque velléité de leur exiger la légalisation de ce phénomène ». Cette réponse est similaire servie par l’ex-chef de l’Etat, Macky Sall, à son homologue américain d’alors, Barack Obama, en visite à Dakar, en juin 2013.
« Fondamentalement, c’est une question de société. Il ne saurait y avoir un modèle fixe dans tous les pays. Les cultures sont différentes, tout comme les religions et les traditions. La dépénalisation de l’homosexualité, c’est comme la peine de mort, les avis sont partagés là-dessus. Nous avons aboli la peine de mort depuis des années au Sénégal, mais d’autres pays non », balançait-il à la figure d’une journaliste américaine autrice de la question.
Comme si la réponse du nouveau président sénégalais n’était pas claire aux oreilles des français qui voulaient vaille que vaille sa légalisation au Sénégal, il se voit encore posé la même question. Ainsi, à l’occasion d’une visite en 2015 en France, le président Sall a été cette fois-ci interpellé sur le plateau d’iTélé sur le refus du Sénégal de dépénaliser l’homosexualité. Sa réponse est sans équivoque. « Au nom de quoi, parce qu’ailleurs l’homosexualité est dépénalisée, cela doit être une loi universelle ? Nous avons des homosexuels chez nous. Les associations n’ont pas de difficultés avec le gouvernement, mais est-ce qu’elles n’auront pas de difficultés avec la société ? Ça, c’est une autre affaire. Les gens doivent avoir la modestie de comprendre que tous les pays ne sont pas les mêmes, n’ont pas les mêmes histoires, n’ont pas les mêmes évolutions ».
Mercredi 12 février 2020, cette même question est revenue. C’était à l’occasion de la visite à Dakar du Premier ministre gay canadien, Justin Trudeau. Mais là aussi, sans ambages, il rétorque : « Les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie. Ceux qui ont une orientation sexuelle de leur choix ne font pas l’objet d’exclusion ».
Dans sa relance, une journaliste a demandé en quoi l’interdiction de l’homosexualité n’est pas de l’homophobie. A bout, Macky Sall s’agace et répond sèchement : « On ne peut pas demander au Sénégal de dire : “Demain, on légalise l’homosexualité, et demain, c’est la gay parade”. Ça, ce n’est pas possible parce que notre société ne l’accepte pas. La société, elle va évoluer, ça prendra le temps que ça prendra. Chaque pays a son propre métabolisme », répond-il.
« La loi criminalisant l’homosexualité sera l’une des premières que je ferai voter »
C’est donc clair. Le Sénégal ne va pas dépénaliser l’homosexualité. Mais va-t-il continuer à le « gérer » comme l’a dit Ousmane Sonko ?
«Si je suis élu président du Sénégal, la loi criminalisant l’homosexualité sera l’une des premières que je ferai voter », dit Ousmane Sonko dans une série de tweets. Il invoquait la religion, mais « surtout un souci de préservation de notre humanité ». Il réagissait, en janvier 2022, au rejet par l’Assemblée nationale d’une proposition de loi qui aurait puni l’homosexualité d’une peine de cinq à dix ans de prison. Les députés de la majorité notamment ont estimé la législation existante assez sévère.
La proposition rejetée était « mal écrite » et m. Sonko s’était dit prêt à contribuer à la rédaction d’une nouvelle.
Au Sénégal, la loi punit l’homosexualité d’une peine d’un à cinq ans de prison. Pendant ce temps, les appels à en durcir la répression ont redoublé récemment dans un contexte électoral.
C’est pour cette raison que Mame Makhtar Guèye de l’Ong islamique Jamra n’a pas caché sa déception face au discours du patron de parti Pastef. « Nous avons été scandalisés par l’avocat des lobbies des homosexuels qui a fait de la provocation au niveau du temple du savoir. Comment peut-on dire que l’homosexualité est tolérée au Sénégal, ce n’est pas toléré ? Je suis déçu de la réponse de Ousmane Sonko. Nous sommes beaucoup plus que déçus. Si tu ne respectes pas tes promesses, nous allons te combattre comme nous l’avons toujours fait », a-t-il martelé. Mame Makhtar Gueye et Cie ont d’ailleurs annoncé une tournée nationale pour alerter les religieux. « Nous comptons traduire intégralement en arabe et en wolof les propos de propagande LGBT et d’apologie de l’homosexualité de Jean-Luc Mélenchon. Nous comptons dès la semaine prochaine dérouler un plan de riposte au niveau du territoire national pour faire le tour des cités religieuses », a-t-il fait savoir.
A part des cas isolés comme le triste épisode de Léona Niassène où la dépouille d’un présumé « pédé » a été exhumée, traînée dehors et brûlée, cette communauté Lgbt semble avoir la baraka chez nous, même si des organisations de défense des droits de l’Homme continuent de dénoncer, dans les médias occidentaux, la situation « préoccupante » des minorités sexuelles.
Ainsi, le dénouement qu’a connu, en 2016, l’affaire dite des 11 présumés homosexuels de Kaolack a surpris plus d’un. Le procureur, après un long interrogatoire, dit n’avoir pas de « preuves suffisantes » pour les alpaguer. A moins que la presse ait commis une erreur ou qu’elle se soit trompée de sources, les faits sont constants : c’est au lycée Ibrahima Diouf de Kaolack, au moment où la communauté musulmane était encore dans les ferveurs de la célébration de la naissance du Prophète Mohamed (Psl) et que les Chrétiens du monde se préparaient à fêter Noël (naissance du Christ) que ces individus ont été surpris vers trois (3) heures du matin par les éléments de la Brigade de recherche du commissariat central de la ville. Onze (11) d’entre eux, dont les prétendants, ont été interpellés et trente-neuf (39) recherchés. Sur les lieux, des valises bourrées de cadeaux et des sacs remplis de chemises blanches, des pantalons, des robes de mariées, des bagues, des préservatifs et autres lubrifiants. Une affaire de mœurs choquante et…qui a suscité l’ire des Saloum-Saloum et failli exploser la «Une» des journaux.
Le prof de Maths, l’étudiant, le boucher, le délégué médical et leurs camarades ont eu la baraka comme c’était le cas, en 2009, des neuf (9) homosexuels de Mbao emprisonnés pour avoir célébré un mariage gay avant d’être libérés. Aujourd’hui, cette même polémique a repris de plus belle au « pays de la Téranga » [du “bon accueil” en langue wolof] composé de près de 100 % de croyants.
Autant de faits qui ont encouragé la communauté internationale, notamment les pays occidentaux, à inscrire cette cause dans son combat pour les droits des minorités. Et ils ne sont pas encore prêts à lâcher du lest. A nos autorités d’être beaucoup plus fermes !