[Entretien] Chérif Sadio : « Les réformes qu’on attend du ministère des sport pour le foot sénégalais »
Chérif Sadio est un spécialiste en matière de développement des organisations sportives ; sa carrière englobe une multitude de fonctions, dont celle de journaliste, d’enseignant et de directeur de développement de clubs de football en France et au Sénégal. Il possède une grande compétence linguistique, maîtrisant plusieurs langues, notamment le français, l’anglais, et le portugais, pour ne citer que quelques exemples.
Diplômé en langues, civilisations, lettres, management et gestion, l’actuel directeur du développement du Sporting Football Club de Neuilly-sur-Marne, un club de la banlieue parisienne évoluant en National 3 en France où il poursuit ses études, possède une connaissance approfondie des modèles d’organisations sportives, de la bonne gouvernance, des cadres réglementaires des académies de jeunes, des instances de gestion et des clubs, capable de créer efficacement des structures basées sur les meilleures pratiques.
Suivi par des milliers de personnes sur l’ensemble de ses réseaux sociaux, où il partage régulièrement ses analyses et expériences, l’ancien directeur du développement du Casa Sports (Ndlr : Champion du Sénégal 2022 et vainqueur de la Coupe du Sénégal 2021 et 2021) et sympathisant de Pastef revient avec nous sur les chantiers du football à moyen et long terme qu’il estime attendre de la toute nouvelle ministre des Sports, Khady Diène Gaye, nommée par le Premier ministre Ousmane Sonko, sous l’égide de Bassirou Diomaye Faye.
Que pensez-vous de la nomination de la nouvelle ministre des Sports, Mme Khady Diène Gaye, qui hérite à la fois de la culture et de la jeunesse dans le même ministère ?
Je vois de nombreux acteurs et amateurs de sport se poser des questions sur le regroupement des sports avec la culture et la jeunesse dans le même ministère depuis la publication de la liste des ministres. Personnellement, je ne vois pas beaucoup d’inconvénients à cette décision car le gouvernement a besoin de rationaliser les dépenses publiques, et ces trois domaines placés sous la responsabilité de Madame Khady Diène Gaye sont intimement liés en essence. Ce qui est certain, c’est que la ministre peut réussir en nommant des spécialistes dans chaque domaine spécifique, tout en définissant clairement les rôles et les responsabilités de chaque membre de son équipe et des différentes directions, malgré la gestion conjointe des sports, de la culture et de la jeunesse.
Pensez-vous que c’est une mission facile ?
Ce n’est pas une mission facile, mais elle n’est pas non plus impossible. Si elle départage bien les tâches, elle aura de fortes chances de réussir dans l’interconnectivité de ces trois départements même si elle a la lourde mission de redonner vie à d’autres sports négligés par les précédents ministres des sports. La gestion d’un ministère composé de plusieurs départements exige une bonne coordination.
Elle est issue du milieu sportif et, en tant qu’inspecteur du sport, elle est certainement bien préparée. Si elle parvient à coordonner efficacement ses secteurs avec des directeurs compétents prêts à élaborer une vision commune pour l’ensemble du ministère, le succès sera au rendez-vous. En installant de bons directeurs pour chaque département et en définissant efficacement les rôles et les responsabilités de chaque membre de son équipe et des différentes directions, je suis convaincu qu’elle réussira, InshAllah.
« Il est impératif pour l’Etat à travers les clubs, d’investir dans le développement du football à tous les niveaux : des infrastructures de haute qualité pour le développement des jeunes, une meilleure organisation des compétitions locales, un encadrement technique de haut niveau et un soutien financier adéquat pour nos clubs”
Quelles sont vos attentes dans ce domaine qui vous passionne depuis tout petit et dans lequel vous évoluez d’ailleurs ?
Le Sénégal regorge de footballeurs dotés de talents incontestables, des jeunes animés par cette passion pour le sport de performance. Malgré un tel réservoir de talents, nous sommes encore loin de réaliser notre plein potentiel sur la scène africaine et internationale. Notre rêve est d’avoir un football local fort, où nos clubs locaux deviennent des joueurs indispensables dans les compétitions continentales telles que la Ligue des champions de la CAF et la Coupe de la Confédération. Mon rêve reste enraciné dans la passion que j’ai pour le football local, une passion qui transcende les frontières et est profondément ancrée dans l’âme sénégalaise.
Je rêve de voir nos équipes concourir avec les meilleurs, écrire leurs propres histoires de réussites et de fierté nationale. Et, pour que ce rêve devienne réalité, il est impératif pour l’Etat à travers les clubs, d’investir dans le développement du football à tous les niveaux : des infrastructures de haute qualité pour le développement des jeunes, une meilleure organisation des compétitions locales, un encadrement technique de haut niveau et un soutien financier adéquat pour nos clubs. C’est un rêve de voir notre football local s’épanouir et briller sur la scène continentale, compétitionner avec les puissances du football africain qui envoient régulièrement leurs représentants aux compétitions continentales.
“Il est primordial pour l’État de reconnaître officiellement le football comme une profession, de mettre en place un code du sport et d’encourager les entreprises locales et étrangères implantées dans notre pays à soutenir les clubs et la Fédération Sénégalaise de Football”
D’après vous, quels sont les secteurs sur lesquels le département des sports du ministère devrait mettre l’accent en priorité pour le développement du football ?
Comme je l’ai déjà exprimé à maintes reprises dans mes prises de parole sur le développement du football, il est primordial pour l’État de reconnaître officiellement le football comme une profession, de mettre en place un code du sport et d’encourager les entreprises locales et étrangères implantées dans notre pays à soutenir les clubs et la Fédération Sénégalaise de Football en instaurant une politique visant à garantir l’uniformité des pratiques sportives, tout en stimulant le tourisme et l’économie liée au sport.
Il est nécessaire de réintroduire le football dans les écoles primaires, c’est pourquoi j’ai apprécié le programme Diomaye Président qui s’inscrit dans cette dynamique que nous avons toujours revendiquée. Madame la Ministre Khady Diène Gaye qui est une inspectrice, doit tout mettre en œuvre pour conclure des partenariats avec les instituts de formation et les universités sénégalaises. La collaboration entre le ministère des Sports et les institutions scolaires peut jouer un rôle déterminant dans le renforcement des compétences des dirigeants des équipes sportives, sans se limiter au football.
Ce partenariat permettrait également de sensibiliser les jeunes athlètes et les responsables sportifs aux enjeux sociaux, économiques et juridiques liés à la pratique sportive. Cela veut dire qu’en organisant des conférences, des symposiums et des formations diplômantes sur des sujets tels que le droit du sport, l’économie du sport et la sociologie du sport, les deux entités ont la possibilité de contribuer à l’amélioration de la gestion et du développement du sport au niveau local. Et, pour renforcer les capacités de gestion des dirigeants de clubs en matière de football, il peut être proposé que chaque club désigne trois représentants pour participer à des formations spécifiques dans des domaines clés tels que le droit du sport, la gestion financière, le marketing sportif et la planification stratégique.
C’est certain qu’en investissant dans le développement des capacités des dirigeants de clubs, nous pouvons renforcer l’ensemble du secteur du football et contribuer à sa croissance et à son développement continu. Investir dans l’éducation et la formation des acteurs du sport, peut aider le ministère des Sports à promouvoir une culture sportive plus informée et professionnelle, favorisant la croissance et l’excellence dans le domaine sportif du pays. Car, ces formations permettent aux représentants des clubs d’acquérir les compétences professionnelles nécessaires pour gérer efficacement leur club, optimiser leurs ressources et développer des stratégies durables pour promouvoir le succès à long terme.
“Les rémunérations proposées aux joueurs au Sénégal demeurent très basses par rapport à celles offertes dans d’autres pays africains comme la Tanzanie, le Maroc ou la Tunisie”
Si l’on vous comprend bien, le football local serait victime de l’écosystème dans lequel il évolue ?
Nous sommes nombreux à nous plaindre des contre performances de nos clubs dans les compétitions continentales, qui ne reflètent pas le plein potentiel démontré par nos équipes nationales sur la scène africaine, ni celui de certains de nos footballeurs à l’échelle internationale. Et, nous oublions que l’incapacité de nos clubs à maintenir une performance régulière dans les compétitions continentales est largement attribuable à l’écosystème du football local.
Nos clubs, malgré la présence de joueurs talentueux, rencontrent des difficultés à s’imposer dans les compétitions continentales après avoir remporté le championnat national. Cette problématique découle en grande partie de la situation des salaires dans le football sénégalais. En effet, les rémunérations proposées aux joueurs au Sénégal demeurent très basses par rapport à celles offertes dans d’autres pays africains comme la Tanzanie, le Maroc ou la Tunisie.
?Dans ces pays que je cite pour ne pas les nommer comme étant pays prédateurs de talents sénégalais, les salaires peuvent atteindre le double voire le triple de ce qui est proposé au Sénégal. Cette disparité salariale crée un véritable exode des talents vers des championnats offrant des perspectives financières plus attrayantes. Les joueurs les plus performants sont ainsi tentés de quitter leur club d’origine pour rejoindre des équipes étrangères où ils peuvent bénéficier de meilleures conditions salariales. Cette migration des joueurs clés conduit inévitablement à un affaiblissement des équipes sénégalaises, qui perdent ainsi leur colonne vertébrale à chaque fin de saison.
Cette fuite des talents fragilise le football local sénégalais et compromet ses chances de briller sur la scène continentale. Pour remédier à cette situation, il est impératif de revoir les politiques salariales dans le football sénégalais et de proposer des rémunérations plus compétitives afin de retenir les meilleurs joueurs et de renforcer la compétitivité des clubs locaux dans les compétitions africaines.
Le marché des transferts dans le football sénégalais est un terrain propice à l’essor des talents locaux, qui attirent l’attention de nombreux recruteurs à travers le continent et même au-delà. Chaque saison, le club champion du Sénégal se retrouve confronté à la difficile réalité de perdre ses meilleurs éléments, incapable de rivaliser avec les propositions alléchantes des clubs recruteurs.
Cette situation découle en grande partie de la popularité croissante des footballeurs sénégalais sur la scène internationale, renforcée par les performances remarquables de nombreux joueurs dans des championnats étrangers et lors de compétitions continentales. Et, les recruteurs sont constamment à l’affût de nouveaux talents et voient en les footballeurs sénégalais des investissements prometteurs. Toutefois, le revers de cette médaille réside dans les conditions salariales précaires qui prévalent dans le football sénégalais.
Le salaire moyen d’un footballeur au Sénégal demeure très bas par rapport aux standards internationaux, ce qui rend les propositions des clubs recruteurs d’autant plus attrayantes pour les jeunes joueurs en quête de reconnaissance et de meilleures perspectives financières. Ainsi, après chaque saison, les clubs champions se voient dépouillés de leurs meilleurs éléments, incapables de rivaliser avec les offres salariales proposées à leurs joueurs.
C’est une situation qui crée un véritable défi pour le football local sénégalais, qui peine à retenir ses talents et à maintenir un niveau de compétitivité élevé dans les compétitions continentales. Pour remédier à cette problématique, il est impératif de revoir les politiques salariales dans le football sénégalais et de proposer des rémunérations plus attractives pour les joueurs locaux. Cela permettrait non seulement de retenir les meilleurs talents au sein des clubs locaux, mais aussi de renforcer la compétitivité du football sénégalais dans son ensemble, sur la scène continentale et internationale.
“Le football local s’appuie sur le bénévolat institutionnalisé et normalisé, ce qui doit prendre fin”
Pourquoi dites-vous qu’il faut que le football soit impérativement reconnu comme métier ?
En tant qu’amateur, et peut-être acteur si je peux me le permettre, j’attends de ce régime sur lequel je fonde beaucoup d’espoir, un engagement fort en faveur du développement du football. Cela comprend la reconnaissance légale du football comme profession, garantissant les droits et les protections des joueurs et des entraîneurs.
La reconnaissance juridique de cette passion comme un métier, l’adoption du code du sport et l’encouragement du sponsoring des clubs et de la FSF sont trois mesures urgentes et nécessaires qui nous permettraient de développer et renforcer notre football avec un impact réel sur la création d’une échelle de victoires. Ces mesures pourraient rapidement améliorer les conditions de travail des acteurs impliqués dans le secteur sportif, en particulier du football, en garantissant l’uniformité des pratiques sportives et en contribuant à la stimulation de notre économie, comme je l’ai mentionné précédemment. Elles sont urgentes et essentielles pour améliorer nos résultats et les conditions de vie des acteurs du football dans le pays. Car, le football local s’appuie sur le bénévolat institutionnalisé et normalisé, ce qui doit prendre fin.
“Il faut mettre en place une instance de gendarme du football, une Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG)”
Dans l’une de vos récentes interventions, vous aviez parlé de la création d’une DNCG, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je tiens à souligner l’importance d’une surveillance adéquate de l’environnement dans lequel notre football est organisé, ainsi que de la bonne utilisation des fonds de l’Etat, pour investir efficacement dans le football et améliorer le statut et la rémunération des acteurs du football. Dans cette optique, il est impératif de mettre en place une instance de gendarme du football, une Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG), pour établir des réglementations strictes, effectuer des contrôles de conformité et mener des enquêtes efficaces contre toute personne ou institution qui ne respecte pas les règles.
Mon expérience en France, en tant que dirigeant, m’a permis de comprendre pourquoi le football y est si respecté et a un impact majeur sur le tourisme, le jour où j’ai mis les pieds à la DNCG. Sa création au Sénégal joue un rôle crucial dans la régulation de l’écosystème du football amateur et professionnel, en contrôlant strictement la gestion financière des clubs professionnels, en particulier.
En adoptant un tel modèle, je reste convaincu que notre pays fera un grand pas en avant, en garantissant la stabilité économique et financière des clubs, en veillant à ce qu’ils respectent les règles et les normes de gestion financière, et en empêchant ainsi les excès financiers, les faillites et les crises économiques au sein des clubs.
Un département spécialement dédié pourrait établir des mécanismes de suivi et d’évaluation pour mesurer l’impact des initiatives de développement du football et ajuster les stratégies en conséquence”
Vous aviez récemment parlé de la création d’un département du football…
Tout à fait, si j’avais l’opportunité de discuter avec madame la ministre des Sports, je lui demanderais de créer un département consacré au développement du football au sein du ministère des Sports. Car, cela permettrait d’avoir des spécialistes du football local qui apportent une compréhension profonde des problèmes spécifiques rencontrés par les clubs sénégalais, les joueurs et autres acteurs du football. Ce département dédié peut concentrer ses efforts sur la promotion et le développement du football local, en mettant en place des programmes et des initiatives visant à améliorer les infrastructures, le développement des jeunes joueurs et les compétitions locales.
En rassemblant des ressources et de l’expertise dans le même département, il sera plus facile de coordonner les efforts de soutien au football local de manière cohérente et efficace. Ces spécialistes, qui ne manquent pas dans ce pays, peuvent élaborer des stratégies à long terme pour développer et renforcer le football local en identifiant les domaines prioritaires d’intervention et en proposant des solutions adaptées aux défis rencontrés.
Un département spécialement dédié pourrait établir des mécanismes de suivi et d’évaluation pour mesurer l’impact des initiatives de développement du football et ajuster les stratégies en conséquence. Ce groupe de gens, qui peuvent être des agents au ministère des Sports, offriraient l’avantage de disposer d’une expertise spécialisée, assurant une coordination efficace, développant une vision stratégique et fournissant une évaluation continue, contribuant ainsi à promouvoir et renforcer le football local.
Revenons sur la création de la DNCG, sera-t-elle logée au ministère des sports ou à la FSF ?
Étant donné que nous discutons de progrès et de développement, il est impératif de fournir une surveillance appropriée de toutes les sources de financement possibles. Le conseil d’administration devrait être composé d’agents de l’IGE (Inspection Générale d’État) pour assurer la transparence et l’efficacité de la gestion financière des ressources liées au football. Il est essentiel que la DNCG ait pour objectif principal de promouvoir la santé financière et la durabilité des clubs de football professionnels.
Le ministère des Sports peut engager des discussions avec l’Inspection Générale d’État (IGE) pour que le bureau soit hébergé à l’intérieur de leur département, avec un représentant ou deux de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF), deux de la Ligue Sénégalaise de Football Professionnel (LSFP), deux de la Ligue Sénégalaise de Football Amateur (LSFA) et deux de l’Amical des Arbitres Internationaux de Football du Sénégal (AAIFS) pour les représentations dans les processus de prise de décision.
“Le gouvernement pourra offrir une exonération fiscale, ce qui encouragera les entreprises locales à investir dans les clubs de football sénégalais”
Vous aviez également parlé de l’incitation des entreprises à investir dans les clubs
Oui, j’ai évoqué les raisons pour lesquelles le gouvernement devrait envisager d’encourager les entreprises implantées au Sénégal à sponsoriser les clubs en échange d’une exonération fiscale. Ces sociétés qui vont sponsoriser les clubs locaux vont contribuer à stimuler l’économie en offrant des opportunités d’emploi aux footballeurs et à tous les acteurs du football local, en augmentant les revenus des clubs et en générant des revenus pour les hôtels, restaurants et autres entreprises locales.
Le soutien financier accru permettra aux clubs de football sénégalais de se développer et d’être plus compétitifs sur la scène continentale et internationale, augmentant ainsi leur visibilité et leur rayonnement. Les fonds que nos clubs vont recevoir de leurs sponsors pourront être utilisés pour l’amélioration des infrastructures sportives et la création d’emplois locaux dans le secteur. Et, nos clubs pourront utiliser les fonds des sponsors pour payer des salaires plus élevés à leurs joueurs, ce qui les motivera à s’engager davantage dans la pratique du football.
Et c’est là où la DNCG joue pleinement son rôle de vigie et de gendarme du football, comme c’est le cas en France où je vis cette expérimentation au quotidien. Les entreprises qui vont sponsoriser les clubs locaux seront perçues comme étant solidaires avec la communauté locale, ce qui renforcera leur image de marque. Toutes ces raisons donneront l’avantage pour les entreprises et le gouvernement de favoriser un tel partenariat.
En échange, le gouvernement pourra offrir une exonération fiscale, ce qui encouragera les entreprises locales à investir dans les clubs de football sénégalais et permettra aux clubs de se développer et de prospérer sans être stressés financièrement. Cela dit, des réformes sont nécessaires pour assainir cet environnement, afin d’améliorer nos performances locales/continentales.
“Je propose la création d’une télévision en collaboration avec le Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) et la RTS1 et ses télévisions régionales, qui pourrait révolutionner le paysage médiatique et économique du football local”
Vous avez théorisé l’encadrement de l’image du football sénégalais avec la vente des droits de diffusion du championnat par la création d’une télévision
Je suggère au ministère des Sports et à la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) une idée très osée mais innovante : c’est-à-dire, la création d’une télévision en collaboration avec le Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) et la RTS1 et ses télévisions régionales, qui pourrait révolutionner le paysage médiatique et économique du football local. Un média dédié qui diffusera exclusivement la Ligue et la Ligue 2, les matchs de coupes du Sénégal, ceux de la Coupe de la Ligue, les rencontres amicales internationales de nos équipes nationales des moins de U15, U17, U20, U23 et d’autres contenus connexes.
Ce service du style pay-per-view sera disponible sur toutes les principales plateformes de médias sociaux et sera soutenu par une application similaire à Netflix ou Deezer qui ne permet l’accès aux contenus qu’à un seul appareil, soit un téléphone mobile, une tablette, un ordinateur ou un téléviseur afin d’éviter le partage de code, entre autres forme de piraterie.
Le tarif d’abonnement annuel de 5.000 francs CFA (7,62 euros), abordable pour la plupart des amateurs de football sénégalais, générera des revenus considérables pour la ligue et les clubs participants. En fait, l’objectif principal est de vendre un million d’abonnements par saison d’ici 2030. Cette initiative enrichira non seulement l’expérience sportive des amateurs de football, mais elle aura également un impact positif sur l’image du football sénégalais dans son ensemble.
– Avec 60.000 abonnés (l’équivalent du nombre de places du stade Léopold Sédar Senghor), la télévision peut générer 300.000.000 de francs CFA et le double (120.000 abonnés) atteint un demi-milliard (600.000.000F CFA), ce qui équivaut à un potentiel de partage équitable entre les clubs.
– Si le nombre d’abonnés atteint un million, ce qui est l’objectif à long terme de l’initiative (d’ici 2028), cela générera cinq milliard et neuf-cent-millions de (5.900.000.000) de francs CFA pour les clubs, ce qui est une somme considérable.
– Pour assurer un partage équitable des revenus, un système pourrait être mis en place pour répartir les gains entre les clubs de manière équitable pour chaque division, avec un pourcentage à accorder au club dont les fans ont acheté le plus d’abonnements.
– Chaque abonné pourrait remplir le nom de son club de cœur, ce qui permettrait aux fédéraux et à la direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG) de collecter les données nécessaires pour une répartition équitable des dividendes.
Des incitations pourraient être offertes aux clubs qui attirent le plus grand nombre d’abonnés pour les encourager à maximaliser leur participation à la génération de revenus pour la ligue et pour leur propre club.
Pourquoi dites-vous que le CESTI doit être impliqué dans le développement du football local ?
Le CESTI est une institution publique, connue comme étant une école de journalisme d’excellence avec du personnel et du matériel de haute qualité, il peut donner une assistance technique et superviser la diffusion pour assurer une qualité optimale. En travaillant en partenariat avec cette institution de l’information et de la communication, le ministère des Sports peut bénéficier d’une bonne expertise en journalisme pour fournir une couverture de qualité des événements de la ligue de football.
“En combinant les ressources techniques et humaines du CESTI avec la portée étendue de la RTS, le partenariat peut garantir une diffusion efficace et de qualité de tous les matchs et événements de la FSF”
De plus, la collaboration de la RTS, à travers ses chaînes régionales, peut aider à couvrir tous les événements de manière coordonnée et en temps réel, ce qui assurera une couverture complète des rencontres dans toutes les régions du Sénégal. En combinant les ressources techniques et humaines du CESTI avec la portée étendue de la RTS, le partenariat peut garantir une diffusion efficace et de qualité de tous les matchs et événements de la FSF, tout en atteignant un large public à travers le pays et la diaspora.
Avec la visibilité accrue que ce réseau de télévision fournira, les clubs de football locaux pourront atteindre de nouveaux supporters et approfondir leur engagement auprès des supporters existants. De manière ramassée, cette initiative ouvrira une nouvelle et innovante source de revenus pour la ligue et ses clubs, créera des opportunités pour la croissance du football local et étend la portée du sport à de nouveaux et plus larges publics. Le succès de cette initiative dépendra d’une collaboration effective entre tous les intervenants, notamment le Ministère des Sports, la Fédération sénégalaise de football, les clubs et le CESTI et la RTS1.
Que se passera-t-il avec la télévision nationale dans ce cas ?
Pour moi, l’une des premières réformes à apporter dans notre football, avant même de parler de la création d’une télévision exclusivement dédiée au développement du sport, est d’amener la RTS1 ou un autre média national à acheter les droits de diffusion des rencontres amicales des équipes nationales du Sénégal, comme cela se fait en France et ailleurs.
La vente des droits de diffusion permettrait à la Fédération sénégalaise de football (FSF) de générer des revenus de manière régulière et stable plutôt que de dépendre de la diffusion gratuite de la RTS1. Cela permettrait à la Fédération sénégalaise de Football de bénéficier d’un soulagement économique. Cette vente offrirait à la FSF une plus grande autonomie financière pour poursuivre ses projets de développement du football à tous les niveaux, de la formation des joueurs à la construction d’infrastructures sportives de qualité. Cela permettrait également une meilleure exposition des matches de l’équipe nationale sénégalaise aux spectateurs, mais monnayée cette fois-ci.
“Nous n’entendons jamais la FSF parler de la vente des droits de diffusion. Pourtant, elle a toujours offert à la RTS1 des exclusivités qu’elle pourrait monnayer pour garantir un flux de revenus plus stable pour elle”
Pour y parvenir, il faut oser ; et la FSF doit commencer par évaluer la valeur marchande des droits de diffusion de ses matchs, en tenant compte de la popularité de notre football, de l’audience potentielle et de la qualité des matchs : choisir de bons adversaires, de gros calibres en amical, par exemple. Très sincèrement, je pense que la FSF devrait entamer des discussions avec tous les médias nationaux, dont la RTS1, pour vendre les droits de diffusion. Ces négociations dont je parle devraient inclure des termes contractuels favorables à la FSF, tels que des paiements initiaux et des redevances pour chaque diffusion.
Nous n’entendons jamais la FSF parler de la vente des droits de diffusion. Pourtant, elle a toujours offert à la RTS1 des exclusivités qu’elle pourrait monnayer pour garantir un flux de revenus plus stable pour elle. Cela pourrait l’aider à financer la formation des arbitres, entraîneurs, à augmenter le « prize » money des vainqueurs des championnats, des coups, entre autres. Elle doit également renforcer son marketing et la promotion de ses matchs amicaux en cherchant des adversaires de haut niveau pour générer plus de revenus en retour. Cela pourrait inclure la création de campagnes publicitaires attractives et la mise en place d’initiatives pour accroître l’engagement des supporters.
La chaîne détentrice des droits devra améliorer la qualité de la production des matchs en utilisant des technologies modernes pour offrir une diffusion attrayante, avec des consultants et des journalistes de qualité qui intéressent les spectateurs et les annonceurs. En plus de la vente des droits de diffusion, la FSF pourrait explorer d’autres sources de revenus, telles que la vente de marchandises officielles, les partenariats de sponsoring et les événements commerciaux. Il serait intéressant pour la FSF de faire fructifier son patrimoine sportif en monétisant ses événements sportifs et ses actifs.
En effet, la vente des droits de diffusion serait une opportunité de commercialiser les actifs de la FSF, garantissant une source de revenus fiable et régulière. Les recettes générées par la vente des droits de diffusion pourraient être utilisées pour financer les zones les moins développées au sein de la FSF, telle que la formation de la relève. Les revenus pourraient également être utilisés pour améliorer les infrastructures et les équipements pour une pratique du football de qualité.
Elle doit également résoudre la question de la billetterie, qui est un véritable problème dans notre football. En toute objectivité, tout ce que je vous explique est réalisable, mais il est également nécessaire que l’État accompagne nos instances de football en mettant en place une politique sportive qui favorise fidèlement le développement du football de haut niveau.
“Nous devrions aussi envisager la mise en place d’une politique sportive à l’horizon 2030, imposant à nos clubs évoluant dans l’élite d’avoir une équipe féminine, ainsi que l’obligation pour les footballeurs de moins de 18 ans de suivre une formation scolaire ou professionnelle”
Que pensez-vous de l’UASSU annoncée en pompe ?
Renforcer l’Union des Associations Sportives Scolaires et Universitaires (UASSU) représente une initiative efficace de l’Etat pour sensibiliser les jeunes, qui constituent l’avenir de notre société, aux valeurs du sport et ainsi, réduire les violences dans les enceintes sportives. Je salue encore une fois la clairvoyance du programme de l’Etat qui y consacre une importance capitale parce que l’UASSU ne doit pas être uniquement un moyen de compétition, mais plutôt une rencontre d’apprentissage permettant aux jeunes d’augmenter leurs compétences physiques, tout en renforçant leur discipline, leur esprit d’équipe et l’inculcation de valeurs tels que le fair-play et le respect des règles.
Nous devrions aussi envisager la mise en place d’une politique sportive à l’horizon 2030, imposant à nos clubs évoluant dans l’élite d’avoir une équipe féminine, ainsi que l’obligation pour les footballeurs de moins de 18 ans de suivre une formation scolaire ou professionnelle. Il n’est pas dit qu’on a le talent ou le potentiel qu’on va forcément réussir à devenir un footballeur professionnel. De nombreux compatriotes dotés d’un immense talent ont vu leurs rêves se briser pour diverses raisons, telles que des blessures graves ou des circonstances inexplicables.
Il est important de reconnaître que même avec un talent exceptionnel, la route vers le succès en tant que footballeur professionnel n’est pas garantie. Cela souligne la nécessité pour l’État de mettre en place des politiques visant à soutenir les jeunes dans leur développement. Une politique d’anticipation consisterait à faciliter l’accès des clubs aux écoles et instituts de formation pour les jeunes de moins de 18 ans. Comme je l’ai souligné dans mes précédents articles, il est important que l’État reconnaisse le football comme un métier, l’encadré à travers un code du sport bien défini.
Je reste convaincu qu’en mettant en œuvre une telle politique sportive d’ici 2030, nous pouvons offrir aux jeunes footballeurs des opportunités de développement professionnel et académique, tout en renforçant le potentiel du football local sénégalais à long terme. En investissant dans la formation et dans l’éducation de nos jeunes, parfois victimes de leurs talents de footballeurs ou insouciants des enjeux de la réussite dans le haut niveau, nous contribuons à bâtir un avenir solide pour le football local, où le talent rencontre l’opportunité et où tous les rêves peuvent devenir réalité.
Nous avons besoin de renforcer des initiatives qui sont complémentaires sur le fond pour créer cette échelle de victoires qui fera du Sénégal une nation compétitive. Ce pays est doté de personnes qualifiées, capables de développer leurs compétences au bénéfice de tout le monde. L’initiative visant à renforcer l’UASSU est louable, et il faut réinventer cette rencontre des talents de l’école. Elle ne devrait plus être simplement une compétition sportive, mais aussi un lieu de développement des compétences et de préparation à l’avenir professionnel.
L’Etat, en collaboration avec le ministère des sports et de la jeunesse, peut travailler en coordination avec le ministère de l’éducation et la FIFA par le biais de la Fédération Sénégalaise de football (FSF), afin d’intégrer l’éducation sportive et civique dans les programmes d’Éducation Physique et Sportive. Car, pour lutter contre les violences dans les stades, l’Etat doit mettre en place des programmes de promotion des comportements responsables et respectueux, mettant en avant les valeurs positives du sport, telles que le fair-play, le respect de l’adversaire, la tolérance, la loyauté et l’esprit d’équipe.
Les instances sportives internationales comme la FIBA ou encore l’IAAF peuvent collaborer avec le ministère des sports et de l’éducation afin de renforcer efficacement la lutte contre la violence dans les stades et de promouvoir les valeurs positives du sport. La collaboration avec la FSF pourrait, par exemple, aboutir à une implication de footballeurs professionnels, de formateurs CAF/FIFA, etc., dans des programmes éducatifs se déroulant dans les écoles, les clubs sportifs ou encore dans les stades pour atteindre un public plus large.
Les compétitions scolaires pourraient assumer un rôle fondamental dans l’éducation sportive des élèves en les aidant à accroître leurs compétences sportives, tout en inculquant des valeurs positives, telles que mentionnées ci-dessus, qui les accompagneront tout au long de leur vie. Mais toutes ces idées passent par l’assainissement drastique de l’écosystème de notre football qui est très caduque.
“Le football local sénégalais a un énorme potentiel, et il est temps de le doter des moyens nécessaires pour s’épanouir pleinement sur la scène continentale et internationale”
Etes-vous réellement optimiste avec ce nouveau régime, en ce qui concerne le développement du football ?
Oui, je fais confiance à SEM Bassirou Diomaye Faye, à son Premier Ministre Ousmane Sonko et à l’ensemble de son équipe. Madame la ministre à la tâche difficile de faire revivre les sports négligés par les anciens ministres des sports ; et bien qu’il ne soit peut-être pas possible pour le Sénégal de développer tous les sports de la même manière, nous ne devrions pas abandonner tous les sports qui représentent fièrement la nation dans les hautes compétitions.
Je vais peut-être me répéter, mais notre pays a remporté des trophées continentaux dans toutes les catégories de jeunes exceptée celle des U23, et nous devons créer une échelle de victoires pour que nos clubs soient également performants. Je crois fermement en ce rêve et je suis convaincu qu’à travers un engagement continu, une vision audacieuse et un travail acharné, nous pouvons transformer ce rêve en réalité. Le football local sénégalais a un énorme potentiel, et il est temps de le doter des moyens nécessaires pour s’épanouir pleinement sur la scène continentale et internationale. Car, c’est en nourrissant cette passion collective pour le football que nous pouvons véritablement créer une dynamique positive et propulser notre football local vers de nouveaux sommets.