Le Directeur exécutif du Conseil national à la sécurité alimentaire (Cnsa) vient d’être limogé sans avoir été remplacé, et la tutelle placée sous les ordres directs de la Primature. Le personnel, qui n’a pas perçu son salaire de mars, ni les moyens de travail, est inquiet de la menace de licenciements massifs. D’où une grosse vague d’inquiétude et de découragement.Par M. GUEYE –
Une structure créée par décret a été dissoute par un arrêté ministériel. Son responsable, nommé par arrêté du Premier ministre, limogé par une «note de service» du ministre-Secrétaire général du gouvernement. C’est la mise en pratique, par l’Etat-Pastef, de la politique de notre ancienne «Tata Mimi», d’accélérer la cadence politique. Cela permet d’éviter les lourdeurs administratives et les rigueurs de la loi, on peut présumer.
Pour faire passer la pilule, le Premier ministre a commencé par dissoudre le Secrétariat exécutif du Conseil national à la sécurité alimentaire. De ce fait, le Directeur exécutif se retrouve sans fonction, et la note de service le limogeant ne pourrait pas être dénoncé et attaqué. Entretemps, le personnel du Conseil national à la sécurité alimentaire (Cnsa) se trouve à se tourner les pouces, en attendant la nomination d’un nouveau responsable, appelé à remplacer M. Jean-Pierre Senghor, le directeur sorti. En plus de ne pas être payé, ce personnel n’a plus les moyens de réaliser les enquêtes de terrain sur la situation de la sécurité alimentaire dans le pays. Or, ces enquêtes sont vitales pour prévenir des cas de malnutrition, ou même pire.
Cette situation se produit au moment où, selon les derniers résultats provisoires recueillis par le Cadre harmonisé sur la situation alimentaire au Sénégal, environ 484 069 personnes, soit 2, 6% de la population nationale, encourent un risque de famine. Ce risque sera aggravé en période de soudure dans les départements de Goudiry et Salémata, dans la région de Kédougou. Les mois de juin, juillet et août seront également cruciaux pour d’autres départements, en plus des deux cités. Le Secnsa a d’ailleurs demandé de préparer au plus vite une assistance alimentaire à la population concernée. Il a aussi alerté sur le risque que la situation de détresse qui frappe ces populations ne s’étende sur d’autres parties du pays.
On peut, dans ces conditions, se demander l’urgence qu’il y a à remplacer le Directeur exécutif Jean-Pierre Senghor, sans lui avoir au préalable trouvé un remplaçant. A croire que les autorités politiques n’auraient pas la même perspective des urgences nationales.
Jean-Pierre Senghor a pris fonction au Conseil national à la sécurité alimentaire en 2017, en provenance du Prodac dont il venait d’être débarqué. Malgré des résultats mitigés, l’ingénieur agro-économiste a pu faire du Commissariat à la sécurité alimentaire un instrument fiable dont les travaux font référence auprès de partenaires tels que le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss), le Programme alimentaire mondial (Pam) ou la Fao. Selon des employés du Cnsa, le Cilss s’est même inspiré de leurs logiciels et de leurs méthodes de travail dans ses collectes de données. Et des pays comme le Bénin et d’autres ont envoyé des délégations au Sénégal pour copier les méthodes de travail du Commissariat dont «le leadership dans la lutte contre l’insécurité alimentaire est loué dans toute la sous-région».
Les employés, qui s’expriment ainsi, souhaitent être fixés rapidement sur leur sort, et surtout sur les coupes sombres qui vont s’opérer en leur sein. En effet, M. Senghor, en partant, aurait confié à des proches qu’il lui avait été demandé, par sa tutelle, de mettre fin à des contrats spéciaux de certains employés, ainsi qu’à certains Contrats à durée déterminée (Cdd). Est-ce sa lenteur à s’exécuter qui serait la cause du blocage des salaires, ainsi que du financement des enquêtes ? La conséquence en est un gros sentiment d’inquiétude face à l’insécurité alimentaire.
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