Confidence du père du chauffeur et de l’apprenti de l’un des deux bus : «Comment j’ai appris la mort de mes deux enfants…»
Dans un témoignage, Allé Sèye, père du chauffeur et de l’apprenti d’un des deux bus, raconte comment il a appris la mort de ses deux fils.
«Je m’appelle Allé Séye, je suis le président de la gare routière de Mbour. Je viens de perdre mes deux enfants, Baye Moussa et Mame Mor Sèye, respectivement chauffeur et apprenti du bus qui a quitté, le samedi après-midi, la capitale sénégalaise pour se rendre au marché hebdomadaire de Diaobé, qui a lieu tous les lundis.
Malheureusement, avant même qu’ils n’arrivent à destination, le destin en a décidé autrement. A 3h 10, juste après l’accident, j’ai été joint au bout du fil par un commerçant qui partageait le même véhicule que mes deux enfants, pour m’annoncer la triste nouvelle. Dans un premier temps, il n’a pas voulu me dire que mes deux fils sont morts sur le coup. Il m’a rassuré en me disant qu’ils étaient sous le choc.
Seulement, dans mon intime conviction et surtout à la lecture de la gravité de l’accident, je me suis dit que mes enfants sont morts. J’ai attendu la prière de l’aube pour annoncer la nouvelle à ma famille. Quand je suis arrivé à la morgue de la structure sanitaire de Kaffrine, je suis tombé sur le corps sans vie de mon fils, Mame Mor Sèye, apprenti du bus, allongé à même le sol. Je suis sorti de la morgue pour me ressaisir.
C’est par la suite que j’ai découvert le corps sans vie de Baye Moussa dans un des tiroirs de la morgue. Il faut le reconnaître, ce sont de jeunes garçons à la fleur de l’âge. Je ne cessais de leur donner des conseils sur le comportement que doit adopter un bon chauffeur ayant en charge la responsabilité de la survie de ses clients.
Rien que le jour des faits, avant d’aller à une cérémonie religieuse à Thiès et comme si je sentais le malheur toquer à ma porte, je les ai appelés dans ma chambre, pour leur donner des conseils. Avant qu’ils ne prennent la direction de Dakar où leur départ était prévu.
C’est ainsi que j’ai confié à Baye Moussa, qui porte d’ailleurs le nom de mon papa, qu’il doit toujours être vigilant au volant.
Car, les passagers sont des gens à qui il doit beaucoup de respect et de considération. Ce qui pourra d’ailleurs lui permettre de faire une bonne carrière de chauffeur. A Mame Mor, je lui ai souvent dit de ne jamais se précipiter pour obtenir son permis de conduire, d’attendre d’avoir l’âge d’obtenir un permis de poids lourd.
Je leur ai surtout recommandé la prudence au volant. Ce dont ils m’ont assuré avant que nous nous séparions. Ce n’est pas parce qu’ils sont mes fils que je ferai un faux témoignage sur eux. J’avoue que ce sont des garçons qui ont toujours appliqué mes consignes.
Hier, contre toute attente, Mame Mor et Baye Moussa Séye, le chauffeur qui a baptisé son deuxième enfant avec son épouse, il y a deux semaines, meurt dans un si grave accident. C’est pénible et difficile à supporter, mais je ne peux que me résigner et prier pour le repos de leur âme.»