Assises sur la « réforme et la modernisation de la Justice » : Madiangane Fall adresse une lettre à ses concitoyens

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Madiangane Fall, juriste et non moins président du Parti Nous Citoyens « li ñu boole » a décidé de s’adresser à ses concitoyens. En prélude des Assises sur « la réforme et la modernisation de la Justice » qui se tiennent ce mardi, au Centre international Abdou Diouf de Diamniadio ( Cicad), il a exprimé quelques suggestions. Pour le juriste, « il est impératif de faire cesser les mandats de dépôts systématiques et souvent abusifs ». Il a également plaidé pour la suppression de l’article 80 du code pénal. PressAfrik vous livre in extenso la missive.

Lors de son premier discours à la nation prononcé le 03 avril 2024, Le Président de la
République Bassirou Diomaye Faye évoquait les prochaines réformes institutionnelles qu’il entendait mener.

Celle de la justice, qui démarre ce mardi 28 mai 2024, me tient particulièrement à cœur, du fait de son importance dans la préservation de notre tissu social et de notre commune volonté de vivre ensemble. C’est ainsi que je voudrais partager les résultats de mes réflexions sur la question.

Il est vrai que notre démocratie semble s’être sortie renforcée d’une période électorale
particulièrement tumultueuse. Cette perception qui pourrait justifier une certaine fierté est remise en cause à l’épreuve de l’analyse des épisodes qui se sont succédées pendant cette période et des feuilletons judiciaires des 12 dernières années.

Notre pays est une démocratie dans laquelle la justice fait face à une crise de confiance
perceptible à tous les niveaux. Parallèlement, elle se bat pour son indépendance et se débat sous le poids des affaires judiciaires politisées à outrance, sous le regard sceptique du justiciable.

Cette crise de confiance est incompatible avec la fonction de juger.
Il est ainsi admis que sa réforme est une priorité pour le renouvellement de notre pacte social.

Notre appareil judiciaire est un problème et il le restera tant qu’il est considéré comme une affaire des seuls juges et auxiliaires de justice, sous la coupe du Président de la République.

La justice est, faut-il le rappeler, l’affaire de toute une nation et il n’est pas envisageable de réussir une réforme qui la mettrait à l’abri de notre regard sceptique, sans l’implication de tous les acteurs et surtout sans la prise en compte des récriminations récurrentes du Citoyen- justiciable.

En effet, le plus grand défi de la justice est de gagner la confiance du justiciable, condition de sa légitimité. La légitimation de la justice s’acquiert par la procédure, par publicité et par les garanties d’impartialité. Une combinaison qui fonde l’acceptation de la force contraignante des décisions judiciaires. Non, l’autorité de la chose jugée ne peut se fonder sur le seul pouvoir coercitif de la puissance publique, elle doit emporter l’assentiment du justiciable, élément déterminant et pourtant négligé au Sénégal.

Comme pour confirmer cette option, les citoyens ont été disqualifiés par une réforme qui supprime les jurés de la Cour d’assise, intervenue en 2008, sous le prétexte de la
professionnalisation de la fonction de juger. Il s’avère qu’à la lumière d’une petite évaluation de cette réforme, la justice n’a jamais été à l’abri des récriminations des citoyens sénégalais.

Elle a non seulement été privée de sa dimension démocratique et mais les insuffisances de la professionnalisation à outrance de la Justice se sont exposées au grand jour. Nous pensons qu’il faut commencer par rétablir immédiatement les jurés dans la justice criminelle pour rendre à l’institution sa dimension démocratique. C’est un aspect qui semble être occulté, alors que l’efficacité de la justice n’est pas envisageable sans la confiance du justiciable, du citoyen, du peuple au nom de qui la justice est rendue.

Aussi, faut-t-il rendre à la société son Ministère public, reconnu aujourd’hui comme le bras armé de l’exécutif quand il cède aux tentations d’abus et mettre fin à ses pouvoirs excessifs sur nos libertés. Et dans la même lancée, il est impératif de faire cesser les mandats de dépôts systématiques et souvent abusifs et cela par tous les moyens, dans le respect des principes d’une bonne administration de la justice. Le plus regrettable est que malgré ses conséquences sociales souvent désastreuses, aucun mécanisme n’est envisagé pour protéger le Citoyen contre d’éventuels abus et aucune sanction n’est non plus prévue contre leurs auteurs. Cette situation est contraire à une bonne administration de la justice et à la protection des droits fondamentaux du Citoyen.

Nous militons également pour l’abrogation de l’article 80 du Code pénal (délit d’outrage au chef de l’Etat, une survivance de la féodalité). Le délit d’outrage au chef de l’Etat et son administration est incompatible avec la Démocratie moderne à laquelle nous aspirons.

Considérer que les infractions de droit commun ne protègent pas assez les droits du chef de l’Etat, c’est donner du crédit à l’idée que le Citoyen n’est pas assez protégé contre les atteintes à leur intégrité morale et physique. Pourtant, le Président est un citoyen, protégé par la loi au même titre que tous les citoyens. Cette surprotection consacrée par l’article 80 du Code Pénal est une survivance de la féodalité, héritée du système français réformé, depuis 2008. Pourtant, sans l’article 80 le Président est bien protégé comme le Citoyen qu’il est, et au même titre que tous les citoyens par les lois pertinentes. Il en est ainsi, car la Démocratie suppose aussi le respect du principe d’égalité.

En fin Nous nous réjouissons de l’idée d’introduire un processus participatif, particulièrement dans la réformes de la justice et l’idée d’une plateforme digitale est une avancé remarquable, mais nous plaidons plutôt, pour le “jury citoyens” : assemblée délibérante composée de citoyens de différentes catégories sociales, débattant sur une question spécifique avec la contribution de spécialistes dans le domaine.

Fait à Dakar, 27 mai 2024.
Madiangane Fall
Juriste, Président du Parti
Nous Citoyens « li ñu boole »

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