Affaire Jeune Afrique : Cacophonie au sommet de l’État

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« Sur invitation de Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye, Président de la République du Sénégal, se rendra à Abidjan les 11 et 12 mai 2025 pour prendre part à l’Africa CEO Forum ». Tel est le premier paragraphe d’un communiqué assez sobre de la présidence de la République.

Pour justifier sans doute la pertinence de cette participation, la note ajoute : « Ce forum annuel réunit décideurs politiques, chefs d’entreprises, investisseurs et journalistes pour échanger sur les stratégies visant à renforcer les investissements et le développement du secteur privé sur le continent africain ».

Dans un autre contexte, il n’y aurait rien à dire. Mais dans la situation actuelle de conflit entre les autorités actuelles et le média Jeune Afrique, il y a de quoi s’interroger. Faut-il rappeler que l’Africa CEO Forum est une initiative de Jeune Afrique, ce média accusé par le pouvoir de s’acharner contre le nouveau régime. D’ailleurs, Amir Ben Yahmed a été reçu le 7 mai dernier sur TV5 pour expliquer les raisons de cette initiative. La modération du panel sera assurée par Aurélie M’Bida, rédactrice en chef business et économie de Jeune Afrique. Le président sera donc côte à côte les responsables de ce média.

En vérité, dans cette affaire Jeune Afrique, il y a cacophonie au sommet de l’État. La semaine dernière, le Directeur de la Communication avait révélé qu’une mise en demeure serait envoyée à Jeune Afrique à la suite de ce que le ministère de la communication qualifie de série d’articles diffamatoires.

« Nous avons tout documenté. Tous ces éléments ont été rassemblés dans un rapport et le ministre nous a demandé d’agir. Les sanctions seront graduées pouvant aller de l’expulsion du représentant local du média en cas de récidive jusqu’à l’interdiction. Je ne dis pas qu’on en arrivera à ce stade, je ne le souhaite pas d’ailleurs, mais il fallait apporter des éclaircissements », déclarait Habibou Dia.

La question aujourd’hui se pose de savoir comment le chef de l’État peut participer à une rencontre initiée par JA au moment même où son gouvernement annonce une mise en demeure contre le journal qu’il accuse d’acharnement ? Le ministère de la communication a-t-il fait cavalier seul ou est-ce qu’il a eu l’onction de ses supérieurs, en l’occurrence le PM et le Président ? Ce qui est clair, c’est qu’il y a un déficit manifeste d’harmonisation, de cohérence dans les décisions. Le président semble également faire fi de l’appel de ses partisans à réagir face aux ‘’attaques’’ de Jeune Afrique.

Ce qui fait qu’à l’heure actuelle, il y a plus de questions que de réponses. « Y a-t-il urgence à se rendre à Abidjan ? Le Président Diomaye Faye est-il parti sur insistance de son homologue le Président Ouattara ? Est-il parti pour jouer les VRP et positionner davantage la candidature d’Amadou Hott à la Présidence de la BAD? », s’interroge le journaliste Mamadou Lamine Diatta qui demande à ce que la lanterne des Sénégalais soit éclairée.

Il faut dire qu’il y a de quoi être tenté de se présenter à ce forum. Pour cette année, en dehors de Bassirou Diomaye Faye et Ouattara, il y a 4 autres présidents (Afrique du Sud, Ghana, Rwanda, Mauritanie) et près de 2000 chefs d’entreprises et décideurs qui étaient attendus. S’agit-il là du poids qui a fait pencher la balance ? Difficile de le dire. Pour l’instant, il faut constater avec Mamadou Lamine Diatta que « les zones d’ombre de cette visite en Côte d’Ivoire restent nombreuses ». En attendant que les autorités décident d’y apporter plus de lumière.

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