Affaire des « 150 milliards récupérés » : Thierno Bocoum alerte sur « une pratique dangereuse » du régime

0

Dans une tribune critique, Thierno Bocoum, président du mouvement AGIR, remet en question la gestion par le Premier ministre Ousmane Sonko des affaires de surfacturation dans les marchés publics. Ce dernier a récemment déclaré que l’État du Sénégal avait récupéré plus de 150 milliards de francs CFA grâce à des renégociations de contrats entachés d’irrégularités. Une annonce perçue par Bocoum non pas comme une avancée, mais comme un dangerux précédent où l’exécutif contourne la justice. Nous vous proposons l’intégralité de son texte :

Le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé que l’État du Sénégal a récupéré plus de 150 milliards de francs CFA en renégociant des marchés publics entachés de surfacturations massives. Cette déclaration aurait pu marquer un tournant. Elle révèle au contraire une pratique dangereuse : l’exécutif qui se substitue à la justice et le droit qui devient une variable de communication politique.
Article 32 du Code de procédure pénale :
« Toute autorité constituée […] qui acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenue d’en donner avis sans délai au Procureur de la République […]. »
Article 135 du Code pénal :
« Sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans […] tout fonctionnaire public […] qui aura détourné ou dissimulé des fonds publics, ou en aura facilité le détournement ou la dissimulation. »
La surfacturation de marchés publics, lorsqu’elle est reconnue publiquement par une autorité, constitue un délit passible de poursuite pénale. Le Premier ministre avait donc l’obligation légale de saisir le procureur de la République.
En choisissant de traiter ces faits en interne par des avenants ou des compensations, l’exécutif a bloqué le déclenchement de la procédure judiciaire, pourtant exigée par la loi.
On ne récupère pas une infraction. On la juge.
Mansour Faye, ancien ministre, est actuellement en détention pour des faits présumés de surfacturation. Il a proposé une caution et laissé une garantie à l’État. Sa demande de liberté provisoire a été rejetée.
Tahirou Sarr, entrepreneur sénégalais est poursuivi dans une affaire de 125 milliards FCFA. Il a proposé une caution de 400 milliards FCFA. Il reste détenu.
Et pendant ce temps, des personnes ou entreprises ayant réellement surfacturé, selon le Premier ministre lui-même, sont ni poursuivies ni inquiétées. Certains bénéficieraient même de nouveaux engagements.
Deux Sénégalais en prison pour des faits supposés. D’autres blanchis sans enquête, malgré les aveux publics.
Ce que la loi considère comme un crime économique, le gouvernement l’a transformé en occasion de redressement technique. Ce n’est pas un signal de rigueur. C’est un contournement assumé de l’État de droit.
Si la surfacturation est reconnue, elle doit être poursuivie. Si elle est excusée par une simple compensation, alors la justice ne s’applique plus à tous.
Elle devient un outil politique.
Si Ousmane Sonko veut réellement tourner la page de l’impunité, il devra commencer par ne pas en écrire une nouvelle.

Thierno Bocoum
Président AGIR

laissez un commentaire