Urgent – Rapport annuel 2024 : Sénégal, des balles contre la démocratie – Amnesty dénonce une impunité mortelle
Sénégal. Rapport 2024 d’Amnesty International. : Un tableau alarmant des droits humains entre répression, impunité et oubli des plus vulnérables. Le rapport annuel 2024 d’Amnesty International, actuellement présenté à Dakar, dresse un constat sévère de la situation des droits humains au Sénégal. Ce document met en lumière une série de violations graves, persistantes et parfois institutionnalisées, dans un contexte politique et social tendu.
Répression violente et impunité institutionnalisée
L’année 2024 a été marquée par une vague de répression préélectorale brutale. Entre février et mars, les forces de sécurité ont tué quatre manifestants, dont un adolescent de 16 ans, lors d’opérations menées dans les villes de Dakar, Saint-Louis et Ziguinchor. Ces violences ont accompagné un contexte politique explosif, dominé par le report controversé de l’élection présidentielle et les accusations de corruption visant deux membres du Conseil constitutionnel. Plus de 150 personnes ont été arrêtées, et plusieurs journalistes couvrant les événements ont été battus, tandis que l’accès mobile et la diffusion de la chaîne Walf TV ont été suspendus.
En mars, l’adoption d’une loi d’amnistie a mis un terme aux poursuites judiciaires relatives aux infractions commises lors de manifestations entre février 2021 et février 2024. Cette mesure, présentée comme un acte de réconciliation nationale, empêche néanmoins les familles de 65 victimes, tuées pour la plupart par les forces de l’ordre, d’obtenir justice et vérité.
Liberté d’expression sous pression
Les atteintes à la liberté d’expression se sont intensifiées. Des figures politiques comme Ahmed Suzanne Camara et Cheikhna Keita ont été arrêtées pour « offense au chef de l’État » ou pour avoir diffusé des informations jugées sensibles. Ces actions s’inscrivent dans une tendance plus large de restriction de la parole critique à l’égard du pouvoir.
Conditions de détention dégradantes
Le rapport pointe également des conditions carcérales inhumaines. À la prison de Rebeuss, une épidémie de tuberculose a éclaté en janvier, favorisée par la surpopulation et l’insalubrité des lieux. Plusieurs centaines de détenus politiques ont été libérés en début d’année, dont le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko, arrêtés pour leur participation au mouvement de contestation.
Droits des femmes et des enfants : statu quo préoccupant
Le Code de la famille sénégalais continue de violer les droits fondamentaux des femmes et des filles. Il maintient l’« autorité paternelle et conjugale » exclusive aux hommes et fixe l’âge minimum légal du mariage à 16 ans pour les filles, contre 18 ans pour les garçons. Bien que des recommandations aient été faites pour harmoniser ces dispositions avec les standards internationaux, elles n’ont pas été mises en œuvre à la fin de l’année.
Les enfants talibés, forcés à mendier pour leurs maîtres dans les daaras, restent également sans réelle protection, en dépit d’une législation qui assimile cette pratique à de la traite d’êtres humains. Les projets de loi relatifs à la protection de l’enfance et au statut des daaras restent bloqués, et le secteur manque cruellement de financement.
Tragédie migratoire en mer
Le Sénégal reste un point de départ majeur pour la migration irrégulière vers les îles Canaries. Amnesty International rapporte qu’au moins 959 personnes ont péri en mer entre janvier et mai 2024 après avoir embarqué depuis les côtes sénégalaises. Ces départs massifs s’expliquent par la crise économique, notamment la paupérisation des communautés de pêcheurs.
Environnement : une prise de conscience tardive
Face à une situation environnementale préoccupante, le gouvernement a suspendu toutes les activités minières dans un périmètre de 500 mètres autour de la rive nord de la rivière Falémé jusqu’en 2027. Cette décision fait suite à des inquiétudes sanitaires et écologiques liées à la pollution de l’eau, à la disparition de la biodiversité et à la chute des rendements agricoles dans la région.
Conclusion : Un besoin urgent de réformes structurelles
Amnesty International conclut à la nécessité urgente de réformes structurelles, notamment dans le domaine judiciaire, afin de garantir l’indépendance des institutions, le respect des libertés fondamentales et la protection des populations les plus vulnérables. Le nouveau pouvoir en place, issu d’une transition politique inédite, est désormais attendu sur sa capacité à rompre avec les pratiques du passé et à instaurer un véritable État de droit.