L’officier Ibrahima Dramé, accusateur du général Moussa Fall, rattrapé par un passé « d’escroquerie au visa et au foncier », « tentative de trafic de migrants »
Le général Moussa Fall fait l’objet de trois plaintes, dont celle de l’ancien Commandant du deuxième escadron de la garde présidentielle, Ibrahima Dramé. Celui -ci l’accuse harcèlement, kidnapping et actes de tortures. Mais avant de vider cette affaire, Nos confrères de Dakaractu ont interrogé le passé de l’accusateur. Dans cet exercice journalistique, de graves accusations mettent en exergue les pratiques d’un ancien officier de la maréchaussée rattrapé par un passé « d’escroquerie », « tentative de trafic de migrants », « attaque contre officiers supérieurs de gendarmerie »…
En 2022, les services de la gendarmerie ont reçu plusieurs personnes venues se plaindre des agissements d’un officier supérieur (Ibrahima Dramé) en poste à l’état-major particulier du Président de la République (à la Maison militaire). Ces dernières se disent victimes d’escroquerie au visa et au foncier. Leur interlocuteur leur doit plusieurs dizaines de millions FCFA. Face à la gravité des accusations, les hautes autorités de la gendarmerie ont cherché à comprendre ce qui se passait réellement. Au vu des montants engagés, il était impossible de procéder à un règlement en interne. C’est pourquoi la hiérarchie de la gendarmerie a saisi, à travers un courrier adressé au commandant de la gendarmerie territoriale, des faits d’escroquerie présumée concernant un gendarme. Ainsi, le responsable de l’inspection des services de la gendarmerie a été informé par écrit. Ce qui lui a permis d’ouvrir une enquête dont l’objet est la plainte contre le chef d’escadron Ibrahima Dramé pour escroquerie au préjudice de huit personnes.
Les travaux de l’inspection des services de la gendarmerie
L’enquête menée par l’inspection de la gendarmerie est scindée en deux groupes dont les travaux permettront d’avoir une idée claire sur les accusations formulées par les plaignants.
Il y a l’escroquerie présumée au visa. Quatre personnes ont dénoncé les agissements du commandant Ibrahima Dramé avant de réclamer leur dû. Sur le foncier, quatre autres personnes ont porté plainte devant les hautes autorités de la gendarmerie.
Révélations des enquêtes sur les visas du Canada…
Ibrahima Dramé, qui était en service à l’EMPAT (maison militaire), a touché mot à Abdou Ndoye, un vigile dans les environs du Palais sur un voyage au Canada organisé par la Gendarmerie d’après lui… D’ailleurs, il y avait des places à pourvoir. Il avait la possibilité de lui trouver un visa pour le Canada… M. Ndoye, qui est une de ses connaissances, décline l’offre et le met en relation avec une personne du nom d’Ibrahima Guèye qui remettra plus tard la somme de 2.650.000 francs FCFA à M. Dramé… Ibrahima Guèye met dans le coup Moustapha Guèye qui verse 1.400.000 francs FCFA… une autre personne du nom de Yara Ndour donnera 2.500.000 francs FCFA et Alioune Badara Fall (2.500.000 de francs FCFA), soit un montant total de 9.050.000 francs FCFA pour les visas lors de l’enquête de l’inspection des services de la gendarmerie .
Pour donner plus de crédit à ses agissements, les transactions avaient lieu dans les locaux de l’EMPAT. Seulement, las d’attendre les visas, les plaignants ont saisi le commandant Dramé qui leur explique qu’il y avait des Malaisiens qui doivent participer au voyage et qui ne sont pas encore arrivés sur le territoire sénégalais. C’est ce qui expliquerait le retard dans la délivrance des visas.
… sur le foncier
Trois policiers et un entrepreneur sont les victimes présumées du chef d’escadron Ibrahima Dramé. Il s’agit de l’adjudant de police Cheikh S. S, un de ses proches (5.300.000 francs FCFA), de Jean Pierre ND. lui aussi adjudant de police (4.300.000 de Francs FCFA), de l’agent de police Kalidou D (2.350.000 francs FCFA) et de l’entrepreneur Mamadou Diop (22.300.000 francs FCFA) …
Les enquêteurs de l’inspection des services de la gendarmerie disent que les éléments reçus ne sont que la face visible de l’iceberg. Ils ont décompté 43.300.000 de Francs CFA de préjudice. D’ailleurs, ces derniers sont sans équivoque sur le comportement du gendarme mis en cause : « Usage de moyens frauduleux pour se faire remettre de l’argent. Il a aussi abusé de sa qualité d’officier de la gendarmerie pour orchestrer une machination, une mise en scène, et soutirer des sous à des individus”.
« Il n’avait pas mandat pour parler ou agir au nom de la coopérative. »
Le lieutenant-colonel Cheikh Faye, directeur de la coopérative d’habitat de la gendarmerie de 2012 à 2020, explique à l’inspection des services de la gendarmerie : “Le commandant Dramé n’a jamais fait partie du conseil d’administration de la coopérative d’habitat de la Gendarmerie nationale (COHAG) encore moins de son personnel… il n’avait pas mandat pour parler ou agir au nom de la coopérative… Le commandant Dramé avait postulé pour bénéficier d’un logement, mais il n’a pas versé l’apport personnel. Après plusieurs mises en demeure, il sera exclu du programme et le logement réaffecté à une autre personne…
Les propositions de l’inspection des services de la gendarmerie
Les enquêteurs, à l’issue de leurs travaux, ont fait des propositions (sanctions) de deux ordres à leur hiérarchie :
Disciplinaire (pour faute contre l’honneur, la probité et les devoirs généraux du militaire tels que prévus par l’article 80 du décret 90-1159)
Pénale (commission d’actes constitutifs d’escroquerie dans les conditions définies par l’article 379 de la loi 65-60 du 21 juillet 1965 portant code pénal)
Le rapport conseille vivement à la hiérarchie de demander aux plaignants de saisir la justice. Et que le commandant Dramé soit traduit en conseil de discipline.
Les soit transmis du procureur, l’arrêt de rigueur et le concours d’entrée à l’école de guerre.
Des plaignants ont, suite à la dénonciation devant les hautes autorités de la gendarmerie saisi le procureur de plaintes contre les agissements (escroquerie présumée) du chef d’escadron Ibrahima Dramé.
Pour y voir clair, le procureur a saisi la section de recherches avec des soit transmis, dont ceux avec les numéros 1397 et 1609 du parquet de Dakar. Cette démarche a permis de voir que :
Aux huit personnes identifiées par l’inspection des services de la gendarmerie, d’autres victimes (17) se sont signalées au parquet. Il y a parmi elle, une dame, Mariama Diatta, un certain Mory Camara, Mouhamed Ndiaye et un autre du nom de Jean Abraham Sow, ainsi que six autres plaignants que sont Mouhamed Diallo, Habib Kébé, Mbaye Dionne, Assane Sow, Mactar Sylla, El H Abdou Ndiaye ;
Le montant global des sommes réclamées est ainsi passé de 43.300.000 francs CFA à 63.300.000 francs CFA pour les délits présumés d’escroquerie foncière et de tentative de trafic de migrants.
Parallèlement, une procédure disciplinaire avait été enclenchée par la gendarmerie… et, le commandant Dramé avait écopé de 45 jours d’arrêt de rigueur… Puis la procédure de sa radiation avait été enclenchée avant d’être prononcée, selon les textes de la gendarmerie. C’est ce qui l’avait empêché de participer au concours d’entrée à l’école de guerre. Car, pour y être éligible, il ne faut pas être mis aux arrêts de rigueur lors des trois années qui précédent le concours.
Le procureur avait demandé dans les soit-transmis « enquête et audition”, si les faits sont avérés, une arrestation. Ce qui fut fait. Mais il bénéficiera de la grâce présidentielle (Macky Sall) le 31 décembre 2023.
La plainte de l’avocat de la gendarmerie contre Ibrahima Dramé suite à des menaces contre 3 officiers supérieurs de la gendarmerie
À sa sortie de prison, Ibrahima Dramé a envoyé un message via son numéro personnel 77 516… au colonel Abdou Mbengue. “Merci pour tout. Je ne perdrais pas mon temps à chercher du boulot, j’irais là où je peux me servir des armes, parce que j’ai été formé pour ça… Advienne que pourra” écrit-il.
Puis s’en suivra un deuxième message envoyé au colonel Cheikh Faye. « Vous êtes fier de contribuer à faire aboutir le sale boulot de Moussa Fall, le bourreau des fils de la Casamance. Une chose est sûre Salif Sadio ne sera pas plus casamançais que moi” balance-t-il.
Enfin, un dernier message sera adressé au général Moussa Fall “Je connais le nom de ton épouse, de ton fils et de tes proches… Si le Sénégal n’a pas besoin de moi, la Casamance peut m’accueillir à bras ouverts parce que j’ai été formé au maniement des armes”.
Ainsi, l’avocat de la Gendarmerie, Me Baboucar Cissé, sera activé. Il déposera une plainte le 10/01/24. Deux jours plus tard, le procureur se saisit de la plainte (12/01/24) et demandera à la section de recherches de Dakar, via un soit-transmis, « une enquête et arrestation, si les faits sont avérés ».
Porté disparu pendant un moment, Ibrahima Dramé sera interpellé par la section de recherches de Ziguinchor le 24/02/2024 aux environs de 5 h 30 dans le village Mandégane à Ziguinchor, puis acheminé le même jour à la section de recherches de Dakar vers 16 H.
L’enquête à la section de recherches
Lors de son audition à la section de recherche, l’ancien chef d’escadron a battu sa coulpe avant de déclarer qu’il était sous le coup de la colère, c’est pourquoi il a envoyé ces messages aux officiers supérieurs de la gendarmerie. « Au regard de toutes les difficultés que j’ai eues en prison, il y avait un sentiment de déception et d’abandon qui m’ont poussé à agir de la sorte. Je n’étais animé d’aucune intention de nuire… Mes parents m’ont demandé de ne plus refaire ça et de passer à autre chose… Si ces personnes estiment avoir été offensées, je leur présente toutes mes excuses, se défend-il… L’enquête bouclée le 26/02/2024, il est déféré au parquet.
Après son face-à-face avec le procureur, il est placé sous mandat de dépôt et son dossier est envoyé en instruction…
À propos des tortures…
Nulle part dans ses déclarations devant les enquêteurs, l’ancien commandant Dramé n’a fait mention d’une quelconque maltraitance ou torture, selon une source bien informée. “Il avait été traité comme il se doit par ceux qui l’ont arrêté et acheminé à Dakar. Il n’a jamais remis en cause le PV qu’il a d’ailleurs signé”.
“Sa saisine de la justice par une plainte n’a pas de sens”, selon un homme du droit saisi. En l’espèce, il devait saisir le juge chargé de son dossier pour l’informer de ses éléments, car il est en instruction.