La Brigade des affaires générales (BAG) de la Division des investigations criminelles (DIC) a commencé ses auditions dans l’affaire Prodac. Ce samedi, le quotidien Libération est revenu sur les grandes lignes du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), à l’origine de la plainte avec constitution de partie civile déposée par l’Agent judiciaire de l’État.
Le fameux rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la gestion du Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) avait été transmis à la Division des investigations criminelles (DIC), suite à une plainte déposée par l’Agent judiciaire de l’État. Ce dernier s’était constitué partie civile.
Selon nos confrères, l’enquête a été confiée à la Brigade des affaires générales (BAG), une entité de la DIC située au Palais de Justice. D’ailleurs, la BAG a commencé ses auditions. En effet, Khadim Ba, directeur général de Locafrique, a été extrait de prison et entendu hier. Face aux enquêteurs, le bailleur du projet a indiqué, entre autres, que c’est lui-même qui avait lancé l’alerte après avoir découvert des factures suspectes. Une chose est certaine : l’IGF a mis en lumière un vaste carnage financier. Dans leurs conclusions, les enquêteurs ont recommandé l’ouverture d’au moins deux informations judiciaires.
D’après les vérificateurs, le coût global du projet est estimé à 26,6 milliards de FCFA, un montant jugé exorbitant au vu de l’impossibilité d’atteindre l’objectif stratégique de création massive d’emplois, tel que confirmé par tous les acteurs, ce qui a suscité des soupçons de surfacturation de la part du bailleur. En effet, en comparant les prix de Green 2000 avec ceux du marché, Locafrique avait relevé plusieurs écarts, confirmés sur le terrain. Malgré cela, avec la complicité des anciens dirigeants du Prodac, Green 2000 a perçu la somme de 15 milliards de FCFA, virée sur un compte à la Hapolim Bank, en Israël, échappant ainsi au contrôle de l’État. Pour limiter les dégâts, l’IGF avait recommandé la suspension immédiate des paiements.
15 milliards de FCFA virés en toute légalité sur un compte en Israël
L’IGF écrivait également : « Vu le coût global du projet, il est impératif, ne serait-ce que pour préserver les intérêts de l’État, d’apporter les correctifs nécessaires. » Pour rappel, si le projet Green 2000 se poursuit, il coûterait à l’État du Sénégal la somme faramineuse de 36,5 milliards de FCFA, comme le montre le calendrier des remboursements.
Les manquements dans l’exécution du projet Green 2000 s’expliquent par l’absence de contrôles adéquats du Prodac, qui n’a pas mis en place un dispositif de suivi approprié, lequel aurait permis de contraindre son cocontractant à respecter ses obligations contractuelles. Non seulement ce contrôle n’a pas été effectué, mais même après avoir été informé des nombreuses violations de Green 2000, le Prodac n’a pas su apporter les correctifs nécessaires. Les lettres d’alerte de Locafrique, le bailleur, n’ont pas reçu l’attention adéquate de la part du Prodac, qui a néanmoins continué à valider les demandes de paiement sans aucune vérification préalable.
L’IGF signalait que, sans la moindre vérification, 12,6 milliards de FCFA avaient été décaissés en faveur de Green 2000. Ce montant n’inclut pas les factures impayées à l’époque, évaluées à tort à 5,3 milliards de FCFA. Ainsi, le cumul des sommes déjà versées et des factures en attente totalise 17,2 milliards de FCFA. Or, en parallèle, les prestations exécutées sur le terrain étaient largement insuffisantes. Par exemple, pour le site d’Itato, Green 2000 a présenté deux factures d’un montant total de 3,4 milliards de FCFA, dont 1,2 milliard déjà versé en avance, alors que les études ne sont même pas encore disponibles et qu’aucun équipement n’a été livré.
Au DAC de Keur Samba Kane, la situation est similaire, avec des équipements livrés alors que les infrastructures de stockage ne sont même pas prêtes. Interrogé à ce sujet, Daniel Pinhassi de Green 2000 a invoqué un retard de paiement. Cette anticipation injustifiée nécessite une attention particulière pour éviter que l’État ne se retrouve dans une situation complexe à cause des manquements de son cocontractant.
Un contrat saccagé
Malgré ces anomalies, l’alinéa 2 de l’article du contrat technique entre Green 2000 et le Prodac stipulait que la société devait soumettre, au moins 14 jours avant la première demande de paiement, une liste des valeurs des ouvrages à réaliser pour faciliter l’évaluation des paiements. Cette procédure n’a jamais été respectée, et le Prodac n’a pris aucune mesure pour y contraindre Green 2000. De plus, les demandes de paiement ne comportaient aucune déclaration des produits livrés, comme cela était requis.
L’IGF dénonce l’absence de tout contrôle préalable par le Prodac, qui s’est contenté de transmettre les demandes de paiement au financier, sans filtrer les informations ni exiger des justificatifs valables. Cette légèreté a entraîné le versement de 5,9 milliards de FCFA à Green 2000 pour les premières tranches, ainsi que 6,8 milliards de FCFA supplémentaires, sans compter les 5,3 milliards de factures en attente.
Aucune transparence dans le contrôle des paiements
Le bureau de contrôle chargé de superviser le projet a révélé qu’à ce jour, aucun document ou facture n’a été transmis pour contrôle. Cette absence de transparence rend difficile l’évaluation des travaux réalisés et des montants déboursés, aggravant la situation de gestion du projet.
En conclusion, l’IGF a également souligné que Green 2000 avait transmis des justificatifs de paiement en hébreu, alors que le contrat était en français.
Libération