« Des cadavres par terre »: des pèlerins racontent l’horreur de la chaleur du hajj

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Après avoir essayé pendant des années d’obtenir un permis pour le pèlerinage à La Mecque sans succès, Yasser a décidé d’accomplir le hajj illégalement, un choix qu’il regrette amèrement aujourd’hui.

S’il a survécu aux rituels éprouvants menés la semaine dernière dans l’ouest de l’Arabie saoudite, sous une chaleur étouffante, il n’a pas vu sa femme depuis dimanche et craint qu’elle ne fasse partie des plus de 1.000 victimes recensées, la plupart des Egyptiens non enregistrés comme lui.

« J’ai fouillé tous les hôpitaux de La Mecque », affirme à l’AFP cet ingénieur retraité de 60 ans, joint par téléphone depuis sa chambre d’hôtel, où il hésite à faire la valise de sa femme. « Je ne veux pas croire à la possibilité qu’elle soit morte. »

Plus de la moitié des pèlerins décédés cette année durant le hajj venaient d’Egypte, 658 sur plus de 1.000 victimes, selon un décompte réalisé par l’AFP à partir des données fournies par une dizaine de pays ou par des diplomates impliqués dans les opérations de recherche.

Un diplomate arabe a affirmé à l’AFP que parmi les Egyptiens décédés, 630 étaient des pèlerins clandestins, qui n’ont pas pu accéder aux commodités destinées à rendre le pèlerinage plus supportable, comme les tentes climatisées offrant un répit aux fidèles sous des températures ayant grimpé jusqu’à 51,8 degrés Celsius à la Grande Mosquée de La Mecque.

Les autorités saoudiennes n’ont pas répondu aux demandes de commentaires concernant les décès. Le ministère de la Santé avait fait état dimanche de plus de 2.700 cas de stress thermique, mais n’a pas fourni d’autres chiffres depuis.

– Pèlerins clandestins –

Le hajj est l’un des cinq piliers de l’islam et tout musulman qui en a les moyens doit le faire au moins une fois dans sa vie.

Les permis sont attribués par la monarchie du Golfe aux Etats musulmans sur la base de quotas, puis octroyés dans des pays comme l’Egypte à travers une loterie. S’ils obtiennent le permis, les pèlerins doivent ensuite passer par des prestataires accrédités, souvent chers.

De nombreux fidèles essayent donc de contourner les circuits officiels, surtout depuis que le royaume a introduit les visas touristiques en 2019.

Mais Yasser, qui a refusé de donner son nom car il se trouve toujours dans le pays, a vite compris les inconvénients de ne pas avoir le fameux permis, dès son arrivée en mai.

Avant même le début du hajj, il y a une semaine, certains magasins et restaurants ont refusé de le servir. Et lorsque les rituels ont commencé, impliquant de longues heures de marches et de prières sous un soleil de plomb, Yasser n’a pas pu accéder aux bus officiels – le seul moyen de transport autour des lieux saints – sans payer des frais exorbitants.

Épuisé par la chaleur, il raconte avoir été refoulé d’un hôpital où il a essayé de se faire aider, avant de perdre sa femme Safaa dans la foule lors du rituel de « lapidation du diable » à Mina, près de la Mecque. Depuis, il ne cesse de reporter leur vol de retour.

– « L’Egypte est triste » –

D’autres pèlerins clandestins égyptiens, interrogés par l’AFP, ont décrit des difficultés similaires – et des scènes dramatiques sur le chemin des fidèles durant les rituels à Mina.

« Il y avait des cadavres par terre. J’ai vu des gens s’effondrer soudainement et mourir d’épuisement », dit Mohammed, 31 ans, un Égyptien qui vit en Arabie saoudite et qui a effectué le hajj avec sa mère de 56 ans.

Une autre Égyptienne, résidente à Ryad, affirme avoir vu sa mère mourir avant l’arrivée d’une ambulance. Son corps a ensuite été transporté vers un lieu inconnu. « N’avons-nous pas le droit de la voir une dernière fois avant qu’elle ne soit enterrée? », regrette-t-elle.

Même certains pèlerins enregistrés ont eu du mal à accéder aux services d’urgence, ce qui montre que le système était débordé, affirme pour sa part Moustafa, dont les deux parents âgés – qui avaient leur permis de hajj – sont tous deux morts après avoir été séparés des proches qui les accompagnaient.

« Nous savions qu’ils étaient fatigués », raconte-t-il au téléphone depuis l’Egypte. « Ils marchaient beaucoup, ne trouvaient pas d’eau et il faisait si chaud ». « Nous ne les reverrons jamais. »

« Toute l’Egypte est triste », regrette-t-il, affirmant que sa seule consolation est que ses parents aient été enterrés à La Mecque, la ville la plus sainte de l’islam.

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