La presse et l’audience suspecte avec Macky Sall

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Le président Macky Sall a reçu hier, lundi 18 mars, les patrons de presse du Sénégal. A l’issue de la rencontre, le chef de l’Etat a accordé une amnistie fiscale aux médias pour une valeur de 40 milliards F CFA. Le Président Sall a aussi décidé de réduire de moitié la redevance télévisuelle qui passe d’un million à 500 mille par mois. Dans un autre contexte, on aurait sans doute applaudi et remercié la générosité du président. Et encore !

Mais à moins d’une semaine de la présidentielle et à 12 jours de la fin de son mandat prévue le 2 avril, l’audience suscite plus d’interrogations que de satisfaction. Le président Sall et les patrons de presse doivent être les seuls à se réjouir de cette situation. Il est évident que même du côté des journalistes et de leurs organisations, ce serait plus de questions et d’incompréhension que de soulagement.

En effet, cette rencontre pose pas mal d’interrogations. Et la première consiste à se demander l’opportunité de la tenir dans le contexte actuel. Qu’est-ce que Macky Sall et le patronat de la presse ont à se dire de si important à l’heure actuelle ? Pourquoi cette audience n’a pas été tenue un peu plus tôt, quelques mois avant, au alors, un peu plus tard, juste après la proclamation des résultats officiels de la présidentielle, si tant est qu’elle est vraiment nécessaire ?

Au-delà de l’audience, Macky Sall décide de renoncer aux 40 milliards que doit la presse au Trésor. Cette décision n’est pas la première. Au contraire, la presse sous Macky Sall est déjà habituée à des grâces fiscales. Mais cette fois-ci, la cerise sur le gâteau est la réduction de moitié de la redevance télévisuelle.

Là aussi, l’observateur comme le citoyen sont assaillis de questions. Pourquoi cette générosité en pleine campagne électorale ?

Entendons-nous bien sur les principes. Macky Sall reste à ce jour le président de la République du Sénégal. C’est même une lapalissade. Il peut donc avoir une entrevue avec chaque citoyen, chaque organisation. Mais dans la vie, tout est question d’opportunité, de pertinence. Si le président Sall avait reçu les patrons du Btp, il n’y aurait pas de tollé. S’il avait reçu les patrons de l’industrie alimentaire et les commerçants, peut-être même qu’il aurait suscité de l’espoir auprès des familles tenaillées par le coût exorbitant de la vie au Sénégal.

Mais, Macky Sall a reçu les patrons de presse. Or, les médias jouent un rôle important dans le contexte électoral, surtout en ce moment précis. L’opinion attend de la presse qu’elle soit à équidistance, qu’elle ait un rôle de médiateur entre les protagonistes. Pour avoir rempli pleinement cette mission en 2000, lors de la première alternance politique, la presse a été portée au pinacle. La littérature sur son rôle en 2000 reste abondante et c’est toujours pour saluer sa posture. En 2012 également, la presse a joué sa partition, y compris lors des évènements du 23 juin 2011. C’est ce rôle là qui est encore attendu d’elle, même s’il faut avouer que les contextes ont bien changé.

Et c’est là où l’audience ainsi que les décisions qui en sont issues posent problème. Macky Sall est certes un président sortant, mais il n’est pas neutre. Il est un acteur intéressé par ce qui se passe. Déjà, nombreux sont les Sénégalais qui continuent à douter de la tenue de l’élection dimanche prochain. Ces gens-là vont se demander ce que prépare Macky Sall et qui pourrait justifier cette rencontre. Il est vrai que le coup de théâtre auquel les Sénégalais ont assisté à quelques heures du démarrage de la campagne pour le scrutin initial du 25 février peut les amener à douter de tout.

Mais même si on avance l’hypothèse que le scrutin aura bien lieu dimanche prochain, il serait bon de rappeler que Macky Sall a un candidat qui s’appelle Amadou Ba. Peu importe que le soutien à son candidat s’arrête au bout des lèvres, il reste que l’ancien PM est le candidat officiel de la coalition dirigée par Macky Sall. C’est dire donc que Macky Sall a un parti pris dans cette élection. Pourquoi alors la presse qui fait partie des arbitres accepte de rencontrer un des protagonistes et de sortir de l’audience les mains pleines de cadeaux ? La question de fond reste à se demander si cet arbitre gardera la position de neutralité qui est attendue d’elle.

En tout cas, de deux choses l’une : soit Macky Sall prépare un coup et cherche d’abord à s’assurer le soutien actif ou passif de la presse, soit c’est juste un cadeau d’au revoir à une presse qui l’a soutenu durant tout son mandat.

En effet, il ne faut pas oublier que Macky Sall est le président sénégalais qui a eu la presse la plus bienveillante à son égard. Les patrons de presse l’ont soutenu à toutes les épreuves : dans la justice comme dans l’injustice, dans l’Etat de droit comme dans la négation de celui-ci. Ce ne serait donc de trop qu’il accorde un dernier cadeau à des ‘’amis’’ sur qui il a su compter tout le temps. Même lorsqu’il s’est attaqué à la presse, la mobilisation a été des plus molles.

Toutefois, ce dernier geste de Macky pour la presse est assez révélateur de sa vision pour le secteur. Il n’a qu’une politique d’assistanat vis-à-vis des médias. Durant son magistère et malgré les dispositions légales, il n’a jamais mis en place le fonds d’appui à la presse qui devait être un vrai outil de développement. Il s’est contenté de l’aide à la (aux patrons de) presse avec un ministre comme Moussa Bocar Thiam qui a en usé et abusé, s’arrogeant le droit de déterminer qui devra en mettre plein les poches et qui devra se suffire des miettes.

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