Comment assurer son développement… sans, ou avec insuffisamment de moyens financiers?? C’est, en substance, la question que posent aux États africains les auteurs d’un rapport récemment publié sous l’égide de l’OCDE et de l’Union africaine (UA). Analysant les recettes publiques d’une trentaine de pays représentant les trois quarts du PIB du continent, l’étude met en évidence une stagnation des recettes publiques, qui s’établissaient en 2021 à 466 milliards de dollars sur l’ensemble des pays concernés. Un coup d’arrêt dû au choc de la pandémie de Covid-19, suivi par la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi que par celle des taux d’intérêt menant au renchérissement de l’emprunt et du service de la dette. Dans le même temps, le consentement à l’impôt, condition fondamentale d’une bonne collecte fiscale, reste en grande partie défaillant. En cause?? La mal-gouvernance chronique de certains États. Mais aussi le manque de civisme fiscal de certaines filières industrielles.
En Afrique, une collecte fiscale bien inférieure au reste du monde
L’argent coûtant plus cher, et l’aide publique au développement en recul (à 65 milliards de dollars), les pays africains sont-ils donc en mesure d’augmenter leurs recettes?? Pas vraiment, et de manière très inégale selon les pays, concluent les auteurs du rapport. Selon eux, la pression fiscale, exprimée par le ratio moyen impôts/PIB, s’élevait ainsi, en 2021, à seulement 15,6 % dans les pays étudiés — contre 19,8 % en Asie-Pacifique, 21,7 % en Amérique latine et 34,1 % dans la zone OCDE. Une moyenne derrière laquelle se cachent, par ailleurs, de fortes disparités sur le continent, les taux impôts/PIB allant de 5,9 % au Nigeria à plus de 32 % en Tunisie.
Le rapport pointe également le fait que les recettes des États africains reposent majoritairement sur les taxes directes à la consommation, qui pèsent sur les ménages, et moins sur les entreprises, l’impôt sur les sociétés ne contribuant qu’à 18,7 % des recettes. Autrement dit, la base fiscale des pays africains est particulièrement étroite. Le poids du secteur informel, qui concentre dans certains pays africains jusqu’à plus de huit travailleurs sur dix, contribue aussi à une insuffisance de contributions sociales et, in fine, de recettes publiques. Enfin, la fraude massive achève de grever les finances publiques de pays africains aux administrations fiscales et services de contrôle bien souvent défaillants.
Transparence et lisibilité
Diversement couronnées de succès, ces initiatives sont un premier pas, mais ne remplaceront pas la nécessité, pour les États africains, de profondes réformes structurelles. Comme l’observe Patrick Ndzana Olomo, de l’UA, «?nous sommes entrés dans une ère de réformes fiscales internationales. Dans cette perspective, l’Afrique a besoin de transparence et d’équité fiscale. Parce qu’on le sait désormais, “’ qui taxe le mieux se développe ‘’?» — sans recettes publiques, pas d’infrastructures, pas d’écoles, pas d’hôpitaux, etc. À ce titre, la prolifération des zones économiques spéciales destinées à attirer, à grands coups d’avantages fiscaux, les entreprises étrangères en Afrique, représenterait un mauvais signal pour les recettes publiques d’un continent qui a, au contraire, besoin de transparence et de lisibilité. Mais plus que de nouveaux impôts, c’est l’efficience des taxes existantes que recherchent certains Etats en quête d’efficacité fiscale. Par exemple, en diminuant la part de l’économie informelle et en mettant tous les acteurs économiques sur un pied d’égalité face à l’impôt.
Fidèle Djimadja