Guerre en Ukraine : Les risques sur le Sénégal

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Pétrole, gaz, farine, pain, ciment…, sans compter les produits qui pourraient être impactés par le coût du fret. La guerre en Ukraine risque d’être payée cher au Sénégal. Le gouvernement rassure, Sos consommateurs accuse.

Les alertes sont suffisamment claires pour laisser de la place au moindre doute quant aux conséquences en Afrique et au Sénégal du conflit entre l’Ukraine et la Russie. « La guerre en Ukraine n’épargnera pas notre économie », a déclaré le président Macky Sall au Daaka de Médina Gounass, samedi 12 mars. Quelques heures avant, au sommet de Versailles les 10 et 11 mars, c’était d’abord au président français Emmanuel Macron de tirer la sonnette d’alarme. « L’Europe et l’Afrique seront très profondément déstabilisées sur le plan alimentaire ».

Pour comprendre ces préoccupations, il faut savoir, à titre indicatif, que 30% des exportations mondiales du blé passent par la Mer noire. Or, depuis que les Occidentaux ont décidé de boycotter la Russie, plus rien ne sort de là, alors que Moscou représente près de 20% des exportations mondiales du blé. «Les prix des céréales ont déjà dépassé ceux du début du printemps arabe et des émeutes de la faim de 2007-2008», indique le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres qui ajoute que l’indice des prix des denrées alimentaires de la FAO n’a jamais été aussi élevé.

Certains pays seront plus touchés que d’autres. Le Sénégal pourrait faire partie du lot des plus impactés, puisque la moitié de son blé vient de la Russie. Amadou Gaye le président de la Fédération nationale des boulangers du Sénégal prévoit même le scénario du pire. « Avec cette guerre, le prix du pain pourrait atteindre avant la fin de l’année 500 FCFA la baguette, si cette situation continue », prévient-il sur PressAfrik.

« Une répercussion sur le prix de la farine est à craindre, mais »

Pour l’instant, rien n’a bougé du côté des prix de la farine et du pain. Mais rien n’est acquis dans le moyen terme. « Une répercussion sur le prix de la farine au Sénégal est à craindre, mais cette répercussion n’est pas automatique dès l’instant qu’il y a des stocks acquis avec des prix différents de ceux qui sont actuellement sur le marché international », tempère le Directeur du Commerce intérieur, Oumar Diallo, joint par Seneweb.

Seulement, les stocks se situent entre deux et trois mois, si l’on en croit Amadou Gaye de la Fnbs. Va-t-on connaître alors une application des prix du marché ? Amadou Gaye ne cache pas son pessimisme. Selon lui, l’Etat du Sénégal a déjà épuisé les leviers fiscaux en supprimant la Tva sur la farine. Il y a également une suspension totale des taxes intérieures perçues sur le blé et la farine, rappelle Oumar Diallo. « Je me demande aujourd’hui, avec cette crise ce que peut faire l’Etat du Sénégal », se demande Amadou Gaye qui ne voit qu’une augmentation des prix.
Fonds de stabilisation et de péréquation des prix

Pour l’instant, le ministère du Commerce se veut rassurant. « Nous nous organisons pour assurer un approvisionnement correct au-delà même de la période du ramadan, c’est-à-dire sur plus de 6 mois », soutient Oumar Diallo. L’idée ici est d’avoir un dispositif d’approvisionnement qui permettrait d’acheter suffisamment de blé sur le marché international à un prix assez compétitif pour ne pas avoir de répercussion sur le prix actuel de la farine encore moins sur le prix du pain.

De façon globale, rappelle Oumar Diallo, 47 milliards ont été mobilisés en 2021 en guise de mesures de soutien des prix contre 50 milliards en 2022. Diallo promet un dispositif en rapport avec le ministère des Finances.

Seulement, ces mesures ne semblent pas convaincre un des défenseurs des consommateurs. Me Massokhna Kane pense que l’Etat ne fait pas son travail. « Il faut créer un fond de stabilisation et de péréquation des prix. Ça fait 10 ans que nous demandons la mise en place de ce fonds et le gouvernement s’entête. Ça permet d’engranger des recettes quand les coûts sont bas. Et quand les coûts montent, on prend dans les recettes du fonds pour stabiliser les prix pour éviter une hausse. C’est ce qui se fait dans les pays responsables », soutient le président de Sos consommateurs.

« L’Etat ne joue pas franc jeu avec les variations des cours »

Me Kane regrette que la vérité des prix ne soit appliquée qu’en cas de hausse, jamais lorsqu’il y a une baisse. Pour prendre l’exemple du pétrole, le baril a chuté de 120 dollars à 40 voire 30 dollars en début 2020. Au Sénégal, il n’y a eu qu’une baisse de 10% sur le prix de l’électricité et 100 F environ sur le carburant. Autant dire une répercussion presque nulle. « Le problème est que l’Etat ne joue pas franc jeu avec les variations des cours », regrette Me Kane.

Par ailleurs, en dehors du blé, il y a le coût du transport qui a connu une hausse et qui se répercute sur les prix. Que ce soit le fret maritime ou aérien, le contournement de la Russie par les bateaux et les avions des pays occidentaux induit une surcharge. Ce qui veut dire que l’ensemble des marchandises importées sont susceptibles de connaître une augmentation du fait du prix du transport.

Le ciment pourrait être parmi les premiers produits à connaître une hausse. En effet, jeudi dernier à Thiès, le directeur administratif et financier de Dangoté, Ousmane Mbaye a laissé entendre que la seule option aujourd’hui pour s’en sortir est d’augmenter le prix du ciment de 65 000 à 68 000 voire 70 000 la tonne.
Ciment : Pas de « demande d’homologation des prix à la hausse »

Selon lui, Dangote utilise du charbon et le prix a connu une hausse de plus de 140% depuis 2020. Autrement dit, les coûts de production augmentent alors que le prix est homologué. « Si le marché Russe ne peut plus livrer du charbon, cela veut dire qu’il va y avoir une tension sur les autres marchés. Et une tension veut tout simplement dire une augmentation des prix ».

Oumar Diallo reconnait que la situation est difficile pour toutes les cimenteries du Sénégal à la fois du fait de la hausse du coût du fret et de l’augmentation de certaines matières premières. Mais pour l’instant, ajoute-t-il, rien n’a changé. « Le ciment est dans le régime de l’homologation des prix. Et jusqu’au moment où je vous parle, nous n’avons pas encore reçu de demande d’homologation des prix à la hausse provenant des cimenteries »
C’est dire que si l’Etat du Sénégal ne prend pas les mesures idoines, l’ensemble des ces acteurs vont procéder à une hausse des prix qu’elle soit justifiée ou opportuniste. Et les petits commerçants spéculateurs vont achever le consommateur.

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